Information
NICE: "IL EST FORT, VRAIMENT FORT", MATTIA VITI PRÉSENTÉ PAR SON ANCIEN ENTRAÎNEUR À EMPOLI
Ce mercredi, l’OGC Nice a officialisé l’arrivée de Mattia Viti, jeune défenseur italien de 20 ans, sur la Côte d’Azur. Formé à Empoli, il a connu une première saison fructueuse en Serie A, confirmant les espoirs entrevus lors de la formidable épopée de la Primavera du club, vainqueur du Scudetto U19 en 2021. Aurelio Andreazzoli, son entraîneur à Empoli la saison passée, dresse son portrait pour RMC Sport dans une discussion mêlant le parcours du défenseur et le travail avec les jeunes joueurs.
S’il y a un technicien italien réputé pour sa capacité à faire progresser les jeunes joueurs, c’est bien Aurelio Andreazzoli. L’entraîneur de 68 ans a quitté Empoli en fin de saison dernière après un exercice de grande qualité, ponctué par un maintien confortable avec l’équipe promue et marqué par l’éclosion de plusieurs talents pour leur première expérience en Serie A: Samuele Ricci, Kristjan Asllani, Fabiano Parisi et Mattia Viti.
Sous l’égide de l’ancien assistant de Luciano Spalletti à la Roma, le club toscan a livré sa recette habituelle: du jeu et des jeunes joueurs. Habitué à former de bons footballeurs et à enrôler des techniciens ambitieux dans le jeu (Spalletti, Sarri, Giampaolo, Dionisi…), Empoli a séduit les observateurs par la qualité de son football, par son courage et ses prises de risques dans une équipe articulée autour du 4-3-1-2 de son entraîneur. Avec des victoires contre la Juve à Turin, contre Naples (aller et retour), la Fiorentina, l’Atalanta et Sassuolo, le club promu a souvent fait la démonstration qu’un jeu dynamique et ambitieux pouvait résister à des collectifs composés d’individualités bien plus fortes.
Aurelio Andreazzoli a offet à Mattia Viti, nouvelle recrue de l'OGC Nice, ses vingt premières apparitions en Serie A. Le jeune défenseur central (2002) ne partait pas comme titulaire en début de saison mais était déjà très suivi par son entraîneur.
Empoli avait recruté plusieurs défenseurs centraux expérimentés la saison passée avec Tonelli, Luperto et Ismajli. Quel processus d’intégration était prévu pour Viti ?
Il était présent dans nos esprits dès le départ parce qu’on connaissait ses qualités. Il a toujours démontré qu’il avait de bonnes aptitudes physiques. Lors des premières journées, il n’a pas joué, mais on le faisait beaucoup travailler à l’entraînement. En raison de la blessure de Parisi, on l’alignait même comme latéral gauche dans les séances, non pas pour le mettre en difficulté ou pour faire le bouche-trou, mais pour lui apporter quelque chose en plus, comme l’habituer à sortir ballon au pied et lui donner des repères pour construire le jeu de derrière.
Et finalement sa première apparition a eu lieu à Cagliari à la cinquième journée...
Ce jour-là, on avait changé cinq joueurs par rapport au match précédent. Il a été très bon. Il a juste montré ce qu’on savait de lui. Ensuite, on a alterné des moments où il jouait, d’autres où il était sur le banc. Ce n’est pas parce qu’il ne méritait pas de jouer. Jamais ! L’idée était de donner la possibilité aux jeunes joueurs de travailler sur eux-mêmes, de réfléchir, dans l’optique de les faire grandir, d’être prêts et complets. On avait finalement une équipe avec peu de titulaires assurés, mais avec beaucoup de joueurs qui pouvaient assumer ce rôle. C’était le cas de Viti. Il a montré une belle progression, notamment sur le plan athlétique.
Son physique lui sert beaucoup dans son analyse situationnelle car on sent que c’est un joueur qui comprend ce qui se passe devant ses yeux, qui évalue bien les différentes situations, qui est beaucoup dans l’anticipation. Il semble à l’inverse pouvoir beaucoup progresser dans la ré-agression et dans le fait d’être dur au contact. Vous êtes d’accord avec ça ?
Je suis en phase avec cette observation. C’est ce qu’il s’est passé. Quand des jeunes affrontent des joueurs d’une telle qualité, comme cela arrive en Serie A, il est finalement logique de les voir parfois être un peu en difficulté. La difficulté, justement, pour un entraîneur qui implique des jeunes joueurs, c’est aussi de devoir souffrir pour eux. Je me souviens du match de Viti contre la Sampdoria (19 février dernier) qui est un bon exemple de ton observation. Quagliarella "lui a fait" deux buts en exposant plus ou moins ce même défaut. Il a compris cela et il a travaillé pour le corriger. Mais c’est évident que tu payes ce passage dans un processus de progression d’un jeune joueur, tant et si bien que nous avons perdu ce match alors que nous avons mieux joué qu’eux. Sur ce match, Viti a subi ce que tu as dit dans ta question, c’est à dire, un manque de ré-agression et ce dixième de seconde d’attente sans réagir qui a permis à Quagliarella de marquer. Et pour autant, tu sais quoi ? Sur ce match, Viti a été le meilleur joueur sur le terrain.
On en revient au courage de l’entraîneur qui fait jouer des jeunes joueurs et est conscient de leur processus de progression, dans lequel rentre le fait de faire des erreurs. Un défenseur n’est pas assez agressif sur un duel, un attaquant peut rater une grosse occasion. Tout ceci est dans la norme...
C’est exactement ça. Mais attention, même dans cette analyse, nous faisons une relation entre le fait de faire des erreurs et la jeunesse. Mais les adultes et les joueurs expérimentés font aussi des erreurs. Quand c’est un jeune joueur, on remet en cause immédiatement leur manque d’expérience. Cela ne marche pas comme ça. Quand les joueurs expérimentés se ratent, cela ne peut pas être à cause de la jeunesse. Est-ce donc lié aussi facilement à ce facteur ?
C’est éminemment logique.
Finalement, qu’est-ce qu’il manque aux jeunes joueurs de qualité ? De l’expérience ! Ce n’est pas à 25 ans qu’on l’acquiert ou en les faisant rentrer à cinq minutes de la fin. Comment réclamer aux jeunes d’avoir de l’expérience pour pouvoir jouer si on ne leur donne pas la capacité d’en accumuler en jouant ? Je vais te donner un exemple. Je me souviens que lors de mon premier passage à Empoli (entre 2017 et 2019), j’ai fait débuter Hamed Junior Traoré (aujourd’hui à Sassuolo, ndlr) en Serie B. C’était un match à domicile. Il entre en jeu en seconde période et fait un bon match. Dans les dernières secondes, il fait une erreur en ratant une passe et dans la continuité de l’action, notre adversaire égalise. Après le match, je lisais et entendais que Traoré avait raté par manque d’expérience. Mais ce n’est pas vrai. Car sur l’action, après sa perte de balle, il y avait au moins trois joueurs plus expérimentés qui auraient pu mieux intervenir. Mais certains ont décidé que c’était de la faute de Traoré. Pour remédier à ça, qu’est-ce qu’un entraîneur peut faire ? Eh bien, on l’aligne titulaire le dimanche suivant ! Tu le rends plus fort. Dans ce cas, c’est ce qu’on appelle travailler avec un jeune.
Dans un contexte de confiance, le jeune joueur se sent plus libre de jouer, d’essayer et même de rater.
Il peut vraiment s’exprimer ! Le joueur doit sentir que l’entraîneur accepte qu’il fasse des erreurs. Je dirais même qu’il doit l’inviter à se tromper, en lui demandant des choses plus risquées. Si je demande à un joueur de faire une chose facile, il la fait et il y a de fortes chances qu’il réussisse. Mais si tu veux le faire progresser au sein d’une expression bien précise de jeu, tu dois l’inviter à prendre des risques, peut-être même à forcer certaines choses. Tu dois lui demander de faire des choses en plus, pas des choses en moins dans un certain confort. Avec cet état d’esprit, tu es dans la progression du jeune joueur. Ce n’est pas un hasard si Empoli a vendu et vend encore aujourd’hui des jeunes joueurs pour des dizaines de millions d’euros. Tu leur enlèves tout frein qu’ils pourraient se mettre consciemment, après des critiques, ou inconsciemment.
C’est dans cette optique que vous avez fait travailler Mattia Viti sur le poste de latéral gauche à l’entraînement et il a …
(Il coupe) Et même à droite ! A droite aussi !
Comme latéral droit ?
Oui, à l’entraînement. C’était vraiment pour lui, pas parce qu’il manquait un joueur et qu’on met un jeune comme bouche-trou. On voulait l’habituer à jouer avec son mauvais pied. À la fin, on entend dire que tel joueur est béni des dieux ou que mère nature lui a donné tel ou tel talent, mais on oublie un peu trop ce qui est travaillé à l’entraînement. Rien n’arrive par hasard, même si certains peuvent avoir des prédispositions. Si Viti est un bon joueur, il l’est au-delà de moi ou du staff qui l’a accompagné. Mais tout a été mis en place pour qu’il s’exprime librement.
Vous avez beaucoup responsabilisé Viti dans les sorties de balle et dans l’élaboration du jeu, à la fois dans la construction au sol mais aussi sur certaines lignes de passe verticales comme le ballon long dans l’espace ou pour le jeu aérien de Pinamonti.
C’est ce qu’on demandait aux centraux. Il y avait effectivement des lignes de passe préférentielles et on travaillait à l’entraînement pour que la coordination des mouvements puisse créer ces lignes de passe, vers l’attaquant comme tu l’as dit, ou celui en soutien ou même notre Trequartista (numéro 10, ndlr). Une des qualités que Viti montrera, j’en suis persuadé, puisqu’il a un très bon pied gauche et que son pied droit est aussi éduqué, c’est sa fréquence de pas alliée à un bon physique, notamment utile dans la conduite de balle. Il est tout à fait capable d’avancer ballon au pied. On lui demandait de le faire. Il avait la confiance et la qualité pour le faire. Il le montrera, en espérant que son processus de progression ne s’interrompe pas, qu’il n’y ait pas d’impatience. Il va changer de statut entre Empoli et Nice? C’est logique que la pression soit plus grande.
Nice a aussi un défenseur central d’expérience comme Dante qui peut lui permettre d’absorber ce changement de statut ?
En quel système va jouer Nice ?
On semble s’orienter vers un 4-3-3 ou 4-2-3-1.
Dans certaines situations plus défensives, Mattia pourrait même jouer latéral gauche. Il peut le faire. C’est clair que ce n’est pas sa spécialité, mais dans sa moitié de terrain, il a des aptitudes au poste. C’est clair que ce n’est pas le même profil que Parisi (le latéral gauche offensif d’Empoli, ndlr) qui est plus à l’aise pour jouer dans la moitié de terrain adverse. Viti a un rôle plus défensif. Même s’il est vraiment bon quand il ressort le ballon.
Viti a aussi montré qu’il pouvait jouer central droit en fin de saison comme contre Naples et l’Atalanta…
On n’avait aucun doute qu’il pourrait jouer sur son mauvais pied. C’est clair que Luperto préférait être axe gauche, donc j’ai mis Viti à droite. C’est vrai qu’on demande beaucoup de choses aux défenseurs: la participation à la construction, porter la balle, savoir verticaliser… On en fait presque des milieux de terrain. C’est difficile pour eux. Mais cela reste des défenseurs. Et un défenseur central doit être capable d’aller fermer sur son côté gauche comme sur son côté droit, de défendre en orientant son corps des deux côtés. C’est clair que ce n’est pas son poste préférentiel et que tu lui enlèves quelque chose. Mais ce n’est pas comme si un gaucher ne pouvait pas défendre axe droit.
Si on le voit aussi peu souvent, c’est peut-être parce qu’en cas d’erreur, on pointera immédiatement du doigt l’entraîneur à l’origine de ce choix.
Tu sais quel est le problème dans le football ? Je ne parle pas d’un cas en particulier. Mais il y a des entraîneurs qui travaillent pour eux et d’autres qui travaillent au service des joueurs et d’un club. Les premiers ne veulent pas prendre de risque ou de responsabilité, et expliquent qu’une erreur est toujours celle d’un joueur. Personnellement, je pense qu’un entraîneur doit travailler pour les joueurs. Dans la réalité d’Empoli, c’est également le cas car de la progression des joueurs résulte la politique sportive et économique. Si tu travailles uniquement pour toi, à la fin, tu le payes. Si tu as le temps pour travailler, que tu bosses sur la tête, la mentalité des joueurs, que tu leur inculques la prise de risque, y compris contre des adversaires plus forts, tu peux en récolter les fruits, comme cela nous est arrivé cette année. On a battu la Juve et le Napoli, on a failli sortir l’Inter de la Coupe d’Italie. C’est ça qui compte. Si tes dirigeants comprennent ça, qu’ils sont conscient que cette attitude et ce travail peuvent amener des risques et des erreurs, mais que c’est le bon chemin pour progresser en terme de mentalité, c’est parfait.
Ce n’est pas un hasard si au début de notre conversation tu as parlé de la très belle saison de l’Empoli et de jeu reconnaissable de cette équipe. C’est parce que nous avons eu la bonne mentalité. On est allé à Turin pour gagner et imposer notre jeu, pas pour éviter de perdre. C’est un travail au quotidien, ça ne tombe pas du ciel le dimanche.
Retournons un instant sur Mattia Viti, comment est-il au quotidien ?
C’est un bon garçon. Il est très appliqué, il travaille bien volontiers. Il a dû gérer un drame familial (sa mère est décédée, ndlr) dans une saison éprouvante pour le vestiaire puisque deux autres joueurs ont perdu un parent, tandis que j’ai également perdu mon frère. Ce ne sont pas des choses qui sont prises en compte quand on analyse les performances. Tu comprends facilement que ce sont des situations déstabilisantes dans un vestiaire où règnent l’enthousiasme et la joie, avec plein de jeunes. Viti, comme les autres, n’a pas montré de signe de perdition dans des moments difficiles.
Vous êtes surpris de le voir débarquer en France ?
Je ne sais pas si j’ai été vraiment surpris, parce que le marché des transferts est désormais ainsi fait, mais je m’étonne de voir qu’aucune grande équipe italienne ne s’est positionnée. Selon moi, Nice a fait un choix important. Le temps le dira. Si les choses avancent normalement, il y a des équipes italiennes qui regretteront de ne pas avoir essayé.
Ce ne serait pas le premier exemple en ce sens malheureusement…
Selon moi, Viti est vraiment fort. Il doit poursuivre son processus de progression. Mais il est fort. S’il était resté à Empoli, il aurait validé cette progression mais il n’est pas dit qu’il ne le fera pas à Nice. Cela dépendra de son nouveau club et aussi de lui. Il a besoin d’un entraîneur qui aime travailler avec les jeunes. S’il est jugé sur le montant de son transfert et ce qu’il a coûté, c’est une erreur car il faut comprendre qu’il est dans une phase où il doit continuer à apprendre et progresser.