Retour au Vélodrome

Il est beau, notre nouveau Stade Orange Vélodrome ! Il est grand – peut-être même un peu trop – avec ses 67 000 places théoriques. Il est vivant. C’est un volcan en éruption lors des matchs à enjeu, comme ont pu le constater adversaires et médias à l’unisson lors de la récente campagne d’Europa League.


Et pourtant… Pourtant, quelque chose manque quand on le voit hors ambiance de match. Une façade tristounette, aucun supplément d’âme ou signe de l’identité du club ne transparaissent dans ses tristes travées grises. Tout juste un pauvre « Marseille » inscrit en tribune. Pas de logos ni de ciel et blanc omniprésents. Ce stade nie son rapport naturel à l’Olympique de Marseille. Pourtant…

Suite à l’usage de fumigènes, la LFP a pris des sanctions drastiques : suspension des deux virages, des tribunes, et même de la pelouse.

Le président Eyraud a longuement pointé les insuffisances empêchant le visiteur de vivre une vraie « fan expérience » – selon son expression – satisfaisante. Je peux en témoigner.

Une enfance marseillaise

Ce stade a toujours fait partie de ma vie. Né et élevé dans le dixième arrondissement (Menpenti, la Capelette puis le haut de Rabatau), le Vél’ n’a jamais été hors de portée de nos petites jambes : à pied ou à vélo, mes copains et moi nous y rendions facilement. Mon père m’y a emmené voir mes premiers matchs alors que j’avais tout juste sept ans. J’y ai vu jouer les Skoblar, Magnusson et tous les autres depuis.

Plus tard, nous nous y rendions seuls et abordions les familles qui allaient voir le match pour qu’ils nous fissent entrer avec eux. Les enfants ne payant pas à l’époque, inconscients, nous donnions sagement la main à de parfaits inconnus pour qu’ils nous fassent franchir les portes du paradis. Une autre époque, assurément.

Grâce aux travaux des archéologues et historiens, on a pu reconstruire cette représentation du stade au temps de ma jeunesse. C’est-à-dire dans l’antiquité.

Adolescent, je « descendais » au Vél’ en mobylette – ma « bleue » bien-aimée – à la nuit tombée… pour voir les tenues sexy des gagneuses qui hantaient Michelet à l’époque. Grands footballeurs ou petites femmes, j’ai toujours eu un faible pour les habits de lumière.

Le désamour

J’ai quitté Marseille, pour des raisons professionnelles, il y a de cela 13 ans. Je ne suis pas si loin, mais l’évolution du club sous les Louis-Dreyfus, les résultats sportifs et le jeu souvent insipide m’ont peu à peu démobilisé, saison après saison. À la suite de l’époque Deschamps et des derniers titres, j’ai perdu l’envie d’être impliqué, au cœur du truc. De plus, l’offre télévisuelle croissante, puis l’arrivée d’internet permettant de suivre l’essentiel des matchs bien confortablement depuis son canapé…

J’ai lâché la rampe, cessé de venir « au Vél' ». Je plaide coupable. Je n’ai donc pas connu jusque là le stade agrandi et rénové, mais tout le monde disait qu’il était superbe, n’est-ce pas ?

Et voilà que cette saison, une nouvelle direction dépoussiérant peu à peu le vénérable blason ciel et blanc, le désir est revenu. Comme dans un couple usé et désabusé, « on a vu parfois rejaillir le feu de l’ancien volcan qu’on croyait trop vieux », ainsi que le chantait Brel.

Ensuite, un nouveau groupe s’est construit sous l’égide d’un entraîneur charismatique. Un groupe humble, professionnel, impliqué et motivé, laissant ses tripes, sa sueur et ses larmes sur le terrain plutôt que d’accueillir en souriant la défaite. Mais aussi capable de fulgurances, de talent et même de génie par séquences. Et dès lors, l’envie d’être là, de communier avec la nouvelle « OM Nation » pour partager le plaisir de supporter cette équipe renaissante a refait surface.

Retour de flamme

Je suis descendu pour quelques matchs, « à l’arrache », arrivant juste pour le coup d’envoi et repartant dès le coup de sifflet final. Jusqu’à la rencontre aller contre l’Atlhetic Bilbao.

Ce jour de mars, j’avais quartier libre toute la journée. J’ai donc décidé de revenir au stade en mode touriste. C’est-à-dire que je souhaitais arriver de bonne heure sur place, faire des photos sur l’esplanade, pénétrer tôt dans l’enceinte et profiter de cet OMland fantasmé.

Je pensais pouvoir manger « OM » sur place, visiter un vrai « parc OM » et ses nouvelles installations ; passer par une grande boutique OM où j’aurais pu dépenser quelques billets sur des articles siglés : écharpe, maillot floqué Gustavo, Thauvin, Payet ou Rami, gadgets divers… J’étais prêt à ouvrir le porte-monnaie et dépenser – presque – sans compter pour soutenir l’effort de redressement de mon club. J’allais vite déchanter.

No man’s land

Arrivé sur le parvis devant l’entrée Ganay à 15 h, quelle ne fut pas ma déception d’apprendre qu’il ne serait pas possible de pénétrer dans l’enceinte avant 19 h. En fait, à cause de la totale désorganisation de la sécurité, ce ne serait pas avant 19 h 30, après une fouille plus que sommaire.

Pour ce qui était de la restauration, les snacks, camions à pizza et buvettes mobiles ne manquaient pas à l’extérieur. Et si j’avais tenu absolument à acheter une écharpe de la rencontre, les vendeurs à la sauvette auraient été très heureux de me fournir leurs contrefaçons. Mais tant qu’à dépenser mon argent, je tenais à le faire pour des produits officiels dont la recette irait dans les caisses de mon club chéri.

La place étant quasiment vide malgré un huitième de finale de coupe d’Europe, ce qui n’avait pas manqué de me surprendre, j’optai pour une ballade dans le quartier et mes souvenirs, un verre dans un bar voisin et un retour vers 18 h. Donc une heure et demie d’attente dans le froid et l’humidité, parmi une foule toujours clairsemée. Loin de la fête populaire que j’avais imaginée.

Enfin les cerbères nous laissèrent franchir les grilles, un passage aux tourniquets façon métro et à moi le nirvana du supporteur… ou pas ! Devant moi se dressaient les entrailles d’un bunker de béton qu’on imaginerait plutôt sorti de la ligne Maginot, éclairées de néons blafards tristes à pleurer et sans la moindre déco ou personnalisation. Mais il paraît que le béton nu est un choix architectural. Les toilettes donnaient plus envie de serrer les sphincters que de s’y laisser accueillir pour se soulager. Et ce même si la restauration allait se charger de remédier à mes appréhensions de pucelle effarouchée.

Le Temple de la consOMmation

Les hôtesses et le personnel étaient sympathiques, accueillants et souriants, efficaces dans l’orientation du chaland égaré vers la bonne travée. Par contre, quand je demandai où trouver la boutique OM pour mes achats, quelle ne fut pas ma surprise de m’entendre expliquer (après moult demandes d’informations des uns aux autres) que la seule « boutique » était à l’opposé. On ne pouvait pas l’atteindre d’ici, sauf à ressortir du stade et rentrer de l’autre côté si c’était possible – ce qui n’était pas sûr – et que de toute façon, c’était certainement fermé à cette heure ! Au temps pour mes envies de fan enamouré et de consommateur frustré.

Bon, ben elle existe, la boutique. Elle n’est pas virtuelle. Encore faut-il pouvoir l’atteindre.

Faisant contre mauvaise fortune (ou plutôt contre une organisation loufoque) bon cœur, je décidai de me rabattre sur la junk food à l’américaine des multiples buvettes. Mal m’en prit ! Les petits stands étaient nombreux et interchangeables (un peu de variété et de choix auraient été bienvenus) mais surtout tristes, blêmes et délivrant une infâme parodie de nourriture telle qu’on n’oserait même pas en servir dans les complexes cinématographiques ou les cafétérias de supermarchés. Le hot-dog que je dégustai (si l’on peut dire) avec sa sauce écœurante et ses oignons frits qui ressemblaient plus à des copeaux de plastique me renvoya illico aux toilettes que j’avais d’abord préféré éviter.

Les dernières minutes avant le match, furent l’occasion de constater que la pelouse était effectivement indigne d’une rencontre de haut niveau, que la sono ne délivrait qu’une bouillie incompréhensible vu qu’elle semblait trop faible et non calibrée pour le volume et la réverbération de la structure et que l’éclairage « de papa » qui nécessite vingt minutes de chauffage pour donner sa pleine mesure ne permettait pas de faire le noir pour des animations périphériques, comme le dénoncerait bientôt l’état-major Olympien.

Alors oui, M.Botella, vous pouvez toujours faire de l’ironie en lançant dans les médias que « s’ils voulaient une sonorisation et des lumières de boîte de nuit, il fallait le dire avant » (sic), il n’en demeure pas moins que les prestations offertes par votre entreprise sont honteusement en deçà de ce que l’on pourrait attendre d’installations professionnelles aux standards actuels.

Des lendemains qui chantent ?

À ce stade, dans ce stade, ma journée de rêve de fan ressemblait plutôt à un cauchemar de mouton consommateur dans un abattoir. Heureusement, bientôt le match commencerait et toutes ces considérations mercantiles et matérielles passeraient au second plan derrière le jeu, la victoire olympienne et la qualification pour ce qui allait devenir une des épopées les plus marquantes de la longue histoire du club et de ses supporteurs.

Je reviendrais pour les deux tours suivants et même pour voir la finale en fan zone. Mais en n’arrivant que pour le match, sans illusions, sans plaisir périphérique et sans dépenser le moindre kopeck en achats annexes. Ce qui était sain pour mon compte en banque, mais moins pour les affaires du club ou du gestionnaire du stade.

Mais pourquoi diantre vous fais-je perdre votre temps avec mes souvenirs et mes sentiments dont vous n’avez probablement que faire ? Mais justement parce que mon ressenti en tant que spectateur lambda est certainement le même que celui de tout touriste ou spectateur occasionnel. Et qu’il va y avoir fort à faire pour donner envie à ceux-là de revenir régulièrement et pour maximiser les recettes les jours de match ou d’autres manifestations autour du stade.

À l’heure où les lignes bougent et où l’OM récupère enfin l’exploitation de « son » stade, on ne saurait trop conseiller aux vautours du « Partenariat Public Privé » de cesser de considérer le supporteur comme un simple cochon de payant et de céder sans faire trop d’histoires la place à de vrais organisateurs de spectacle comme le club. Eux sauront, on l’espère, tirer la substantifique moelle de notre glorieux fief tout en nous apportant une vraie expérience plaisante  autour des rencontres sportives, événements ou simples visites de curiosité et nous donner en échange de notre ferveur, de notre fidélité – et de nos subsides bien sûr – de vrais beaux souvenirs d’une journée à OMland.

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A propos de selfmade footix


Artiste sur le terrain, viril mais correct dans la vie. Ou le contraire, ça dépend. Amoureux de la vie, de l'amour, du beau jeu et de l'amour du beau jeu. Accro aux parenthèses et autres digressions. Loisir : Lapins crétins spotting sur les pelouses de France et de Navarre.
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