23 Jan 2008, 10:24
BIENVENUE À L’ACADEMY
Sous la direction d’Arsène Wenger, Arsenal a mis en place une exceptionnelle école de champions.
Ce soir, Arsenal dispute à Tottenham, son grand rival du nord de Londres, les demi-finales retour de la Coupe de la Ligue de football. Dans cette compétition, Arsène Wenger fait confiance à ses meilleurs jeunes. À l’aller (1-1), sept des seize joueurs alignés sur la feuille de match n’avaient pas vingt ans, dont le Français Armand Traoré (18 ans). L’Academy (centre de formation) d’Arsenal est l’une des plus performantes d’Europe. Visite guidée.
LONDRES –
de notre envoyé spécial
« DE TOUTE L’ANGLETERRE, c’est l’endroit où l’on voit le meilleur football, selon un rapport qualité-prix », sourit Jeremy. Nous sommes le lundi 7 janvier. Dans le Championnat des réserves (*), Arsenal reçoit Fulham, à Underhill, un petit stade so british... et d’un autre âge, avec ses tôles ondulées, rouillées et trouées, son terrain en pente, en contrebas de la station de métro de High Barnet, terminus de la Northern Line. Jeremy a probablement raison : le jeu y est réjouissant et… l’entrée gratuite.
Arsène Wenger habite dans cette banlieue du nord de Londres, verte et prospère. Arsenal partage Underhill avec le Barnet FC (Division 4). Postier à Finchley, tout près de là, Jeremy n’y rate aucun match des jeunes Gunners. Il y emmène systématiquement son fils Joe, sept ans. « Chez moi, on est supporters d’Arsenal de génération en génération, mais, malheureusement, je n’ai pas les moyens de me payer un abonnement à l’Emirates Stadium, d’au minimum 1 250 livres la saison (1 880 euros) pour Joe et moi, explique-t-il. Alors, je regarde les matches au pub et je vais voir la réserve pour découvrir nos futures stars avant tout le monde. C’est ici que Fabregas a disputé son tout premier match pour Arsenal. »
Ils sont environ cinq cents avec Jeremy ce soir-là, dont Arsène Wenger, qui regarde l’avenir depuis l’étage du club-house, contrairement à ses adjoints, Pat Rice et Boro Primorac, installés en tribune. « Pour les derbys contre les réserves de Chelsea ou Tottenham, on est au moins 2 500 et il n’y a pas de la place pour tout le monde », explique Jeremy.
Underhill est un conservatoire, la scène de l’Arsenal Academy. Deux jours avant la demi-finale aller de la Coupe de la Ligue contre Tottenham (1-1), où sept joueurs de moins de 20 ans seront couchés sur la feuille de match, Neil Banfield, le coach des réservistes, aligne en fait contre Fulham les moins de 18 ans, qui, quelques mois plus tôt, ont battu un record d’affluence pour un match de Youth Cup – l’équivalent de notre Coupe Gambardella –, avec 38 187 spectateurs payants contre Manchester United à l’Emirates !
Première surprise, onze des quinze coéquipiers de Gilles Sunu (17 ans, repéré à Châteauroux par Gilles Grimandi, le scout français d’Arsenal) sont anglais ! Ils s’appellent Rene Steer, Paul Rodgers, Abumere Ogogo, Sanchez Watt, Henri Lansbury, Kieran Gibbs, Kyle Bartley ou Tom Cruise (pas l’ami de David Beckham). Parmi eux, Lansbury et Gibbs ont déjà évolué avec les pros, en Coupe de la Ligue, le laboratoire de Wenger, qui a identifié clairement la marche à suivre : redonner à moyen terme à Arsenal une forte identité britannique.
Revenu en août 1996 au club dont il fut autrefois un incomparable meneur de jeu, Liam Brady en témoigne. « Nous avons la volonté de recruter les meilleurs jeunes anglais, dit l’Irlandais, directeur de l’Academy. Comme la concurrence est rude à Londres avec Tottenham, Chelsea, West Ham ou Queens Park Rangers, il s’agit de les détecter le plus tôt possible, dès l’âge de huit ou neuf ans. Ensuite, nous possédons les coaches pour leur amener le bagage qu’exige Arsène Wenger. » « La réputation de Wenger est l’argument qui persuade les parents de nous confier leurs enfants, ajoute Steve Bould, autre grand ancien de la maison, désormais responsable des moins de 18 ans. Avec Wenger, tout le monde sait comment nos jeunes seront éduqués. L’image qu’il donne d’Arsenal est extraordinaire. »
À Hale End, dans l’Essex, Arsenal a ainsi ouvert un centre de préformation presque aussi luxueux que celui de London Colney, réservé aux pros et à l’Academy. Toutes les équipes, des moins de 9 ans jusqu’aux moins de 16 ans, y sont placées sous la responsabilité de Roy Massey. La philosophie de jeu de Wenger y est déjà appliquée. Mots d’ordre : technique, mouvement, vitesse, explosivité.
Roy Massey a des yeux partout. Ses informateurs écument les matches de gamins du grand Londres et de banlieue, à Wimbledon, Milton Keynes ou Enfield. Mark Randall, Kieran Gibbs et Henri Lansbury étaient encore à l’école primaire quand ils ont rejoint les Gunners et les voilà qui touchent au but, à l’équipe pro. Auront-ils plus de chance que Jermaine Pennant (Liverpool), Steve Sidwell (Chelsea), David Bentley (Blackburn), Matthew Upson (West Ham) ou Steve Harper (Reading), lesquels grandirent à Arsenal avant d’éclater ailleurs ? Liam Brady en est convaincu : « On est en train d’assister à l’éclosion de la première génération formée à Hale End, dit-il. Le futur d’Arsenal n’a jamais été aussi radieux. »
Arsenal se veut une famille respectueuse de ses traditions. Outre Liam Brady et Steve Bould, plusieurs de ses anciens joueurs occupent aujourd’hui des postes stratégiques dans l’organigramme, comme Gilles Grimandi, l’un des trente (!) scouts placés sous l’autorité de Steve Rowley (49 ans), salarié d’Arsenal depuis janvier 1980.
C’est Grimandi qui a repéré Armand Traoré dans un autre de ses anciens clubs, Monaco. Parisien d’origine, passé par Suresnes et le Racing (non sans avoir momentanément arrêté le football pour la... boxe !), Traoré, arrivé à Londres pendant l’été 2006, a eu dix-huit ans le 8 octobre 2007. Il est déjà le numéro 2 au poste de latéral gauche, derrière Gaël Clichy, et a douze matches en équipe première à son actif, dont trois inoubliables : deux en Coupe de la Ligue 2007 – un quart historique à Anfield (6-3), pour la plus lourde défaite à domicile de Liverpool en un demi-siècle, puis la finale perdue contre Chelsea (1-2) devant 70 073 spectateurs au Millennium de Cardiff – et celui de Ligue des champions, le 27 novembre 2007, sur le terrain du Séville FC (1-3).
Armand Traoré a tout connu de l’existence de l’apprenti Gunner : l’anonymat des matches de moins de 16 ans sur la plaine de jeux de London Colney, l’école après l’entraînement, la chambre chez l’habitant… « Je n’ai intégré le vestiaire des pros que cette saison, mais je sais bien que le plus dur est devant moi », admet-il.
Serait-il titulaire en Ligue 1 ? Il dit que non : « J’ai progressé beaucoup plus vite à Arsenal que j’aurais pu le faire en France, où je ne me serais jamais entraîné avec les pros. J’ai Gaël (Clichy), mon modèle, sous les yeux tous les jours et William Gallas n’arrête pas de me prodiguer ses conseils. Il n’y a pas mieux qu’Arsenal pour quelqu’un de mon âge. Ici, les stars et les jeunes vivent ensemble. »
Il y a quelques jours, à London Colney, les visiteurs ont même été les témoins d’une scène insolite : une leçon particulière de coups francs donnée à Mark Randall par l’un des meilleurs spécialistes au monde, David Beckham, qui partage actuellement le quotidien d’Arsenal pendant la trêve du Championnat américain !
Cesc Fabregas a tenu le même raisonnement qu’Armand Traoré pour expliquer sa décision de quitter le FC Barcelone, en 2003. Trois semaines après son arrivée, il devenait, à 16 ans et 177 jours, le plus jeune joueur à porter le maillot d’Arsenal. « Au Camp Nou, j’étais tenu à l’écart de l’entraînement des pros, déclara l’international espagnol au Sunday Times. En revanche, lors de ma première visite à Londres, j’ai été reçu par Arsène Wenger lui-même, qui m’a parlé comme à un adulte. Il m’a fait une impression incroyable et j’ai immédiatement compris qu’Arsenal était le club idéal pour moi. La suite m’a donné raison. »
Rédigé par Francis Cagigao, le scout espagnol, le rapport sur Fabregas fait partie des centaines qui sont tombés sur le bureau de Steve Rowley, sans même parler des tonnes de candidatures spontanées. À l’import, Arsenal ne vise que l’excellence et se tourne de plus en plus vers l’Amérique latine. Ancien capitaine de l’équipe du Brésil des moins de 18 ans, Denilson a ouvert la voix à son compatriote Pedro Silva et au Mexicain Carlos Vela (18 ans tous les deux), prêtés respectivement à Salamanque et Osasuna, en Espagne, dans l’attente de l’obtention d’un permis de travail.
Arraché aussi au FC Barcelone, Fran Mérida (17 ans, « un Fabregas gaucher », prétendent ses admirateurs), vient quant à lui d’être confié jusqu’à la fin de la saison à la Real Sociedad afin d’y gagner du temps de jeu. Le Barça a enfin retenu la leçon. Sans les désertions de Fabregas et Mérida, Bojan Krkic et Giovani Dos Santos auraient-ils eu leur chance ?
« La stratégie mise en place par Arsène Wenger paie à double titre : sportivement, avec une équipe capable de rivaliser avec ses principaux concurrents en Angleterre et en Europe, et économiquement, parce qu’en dépensant moins que les autres Arsenal a des fondations plus solides », juge Alan Smith, l’ancien attaquant des Gunners devenu journaliste au Daily Telegraph.
Arsenal rejoue en effet le titre de Premier League tout en n’ayant mis que 24 millions d’euros cette saison sur le marché des transferts (pour Eduardo, Sagna et Lassana Diarra, celui-ci transféré depuis à Portsmouth), soit deux ou trois fois moins que ses trois grands rivaux, Manchester United (60 M€), Chelsea (45 M€) et Liverpool (67 M€).
« Chacun a sa façon de faire, tout à fait respectable, mais, à Arsenal, nous procédons différemment, résume Arsène Wenger. On fait appel à des jeunes à qui nous inculquons notre culture du football. Je reste persuadé que c’est la meilleure manière parce que quand des gens grandissent ensemble il y a toujours quelque chose de plus dans une équipe. Souvent, un joueur n’a qu’une fraction de seconde pour trouver un partenaire, et quand il connaît celui-ci depuis longtemps, c’est un peu plus facile. Mais tout cela n’a été possible qu’avec la stabilité du staff (Wenger est manager depuis onze ans) et un style de jeu pérenne. »
C’est peut-être en Coupe de la Ligue que le résultat est le plus épatant. Le 18 décembre 2007, à Blackburn, où, quelques semaines auparavant, sa meilleure équipe fut accrochée en Premier League (1-1), Arsenal s’est qualifié (3-2 après prolongation) avec un groupe mélangeant des tauliers comme Eduardo (24 ans), Diaby (21 ans) et Diarra (22 ans), mais aussi trois joueurs de dix-neuf ans (Denilson, Niklas Bendtner, Vito Mannone), trois de dix-huit (Armand Traoré, Mark Randall et Kieran Gibbs) et trois autres de dix-sept (Gavin Hoyte, Fran Merida et Nacer Barazite).
Jeremy et Joe n’ont pas fini de se régaler à Underhill.
JEAN-MICHEL ROUET
23 Jan 2008, 10:35
23 Jan 2008, 10:35
23 Jan 2008, 10:36
GENZO a écrit:Centre de formation et Arsenal dans la même phrase ???
Désolé mais piller les meilleurs jeunes des autres clubs et les faire jouer, j'appelle pas ça de la formation
23 Jan 2008, 10:46
23 Jan 2008, 19:07
23 Jan 2008, 21:08
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