Information
Espoir déchu de l’OM, Billel Omrani s’est exilé en Roumanie en 2016. À vingt-six ans, il est devenu le buteur respecté du CFR Cluj, qui aspire à une place en Ligue des champions.
Mardi dernier, Billel Omrani a fait du Celtic Park de Glasgow son petit paradis. Deux buts, une passe décisive, le voilà héros du CFR Cluj, qui a dominé les Écossais (4-3 ; aller : 1-1) et s’est qualifié pour l’ultime round avant la phase de groupes de la Ligue des champions, face au Slavia Prague. À Marseille, la nouvelle a fait le tour de la ville. « Attendez, attendez, attendez », s’est-on partout demandé. Omrani, le cancre ? Celui qui a fait les quatre cents coups à l’OM pendant sa jeunesse et s’est perdu en route ? Lui-même. Refoulé de France en 2016, il a découvert la Roumanie, est devenu père d’un petit gars en attendant une demoiselle d’ici deux mois, et le coach de Cluj, Dan Petrescu, lui voue une confiance inébranlable. Il la lui rend, avec six pions sur la campagne estivale face à Astana, au Maccabi Tel-Aviv et au Celtic.
« Le coach recherche la perfection, il va te rouster pour que tu donnes le meilleur, glisse Omrani. On échange en anglais et en roumain, il m’apprécie, me fait jouer avant-centre, deuxième attaquant ou encore ailier en 4-3-3. Sur les côtés, il veut que j’aille aux duels, que je prenne des risques, que j’anticipe les deuxièmes ballons après l’attaquant de pointe. On marque souvent sur contres. J’étais le meilleur passeur de l’équipe la saison dernière (15 passes décisives). » Depuis que Cluj a tout changé, à l’été 2017, il est double champion de Roumanie en titre, « face à des belles équipes comme le Viitorul Constanta de Gheorghe Hagi, une bande de jeunes qui produit un foot de possession impressionnant. Je connais bien son fils Ianis, parti à Genk, à la vision du jeu magnifique. » En compagnie de sa femme, Myriam, originaire du même coin de Lorraine (Freyming-Merlebach), Omrani (26 ans) vit sa meilleure vie «dans un pays respectable, contraire à tous les préjugés que j’avais », même s’il préfère traîner dans son appartement que dans les ruelles de la vieille ville de Cluj.
“À l’OM, je n’étais pas le plus sérieux,,
Et l’OM, alors ? « Pas envie d’en parler, dit-il gentiment. Je n’étais pas le plus sérieux. » Il est arrivé à quatorze ans, a vécu chez sa sœur Shéhérazade avant de devenir pensionnaire du centre. «On a saigné le nouveau bâtiment (inauguré en 2011) ! » ajoute-t-il en se rappelant les facéties avec son ami Chris Gadi, aujourd’hui attaquant du Petrojet FC en Egypte, ou l’intendant Smaïl. Son agent de l’époque, Christophe Hutteau, lui parle de l’intérêt de l’Europe entière, Manchester City et Bayern Munich compris, puis lui dégote un contrat pro de cinq saisons juste après ses dix-sept ans. « C’est un brave petit, mais il est parfois ébloui par la lumière, il faut toujours être derrière lui », nous confie alors Guy Ferrier, son sélectionneur national en moins de dix-sept ans. Ferrier répète à ce précoce d’1,88 m : « Tu joues au service d’une équipe, et pas l’inverse. Dos au but, tu ne te retournes pas pour aller marquer, tu fais briller un partenaire. »
Placé dans le loft par Bielsa, il est le seul à en sortir avec Fanni, à la sueur de son front
Omrani se disperse, déçoit Deschamps par son investissement à l’entraînement. Quand même, DD le glisse plusieurs fois sur des feuilles de matches en C 1, le fait débuter en pro. Avec Baup, il est reversé chez les jeunes, à l’automne 2012. Se pointe au centre de formation en Audi Q5, raconte aux ados comment il s’est rué sur les cartons de caleçons offerts par Valbuena, qui a lancé une ligne de sous-vêtements : « J’en ai pris vingt-cinq ou trente, rien à payer, je n’allais pas me gêner ! » Il traîne avec les cadors (Niang, Diawara, André Ayew, puis Romao, Benjamin Mendy et Lemina), mais les formateurs l’érigent en contre-exemple.
Placé dans le loft par Bielsa, il est le seul à en sortir avec Fanni, à la sueur de son front. « C’était la folie avec lui, tu bossais dur, il te donnait ta chance », se souvient-il. Il a inscrit son seul but en L 1 sous la férule d’El Loco, à la Mosson, en janvier 2015. « Puis il est parti. J’étais dégoûté. Ce fut le début de la descente aux enfers. » Cluj et la Transylvanie l’ont intercepté. Il n’a jamais oublié l’OM. « Il y a dix jours, je les regardais face à Reims, sur mon iPad, dans le vestiaire avant Cluj-Hermannstadt. Bon, j’ai posé l’iPad pendant la causerie du coach, mais je ne me suis pas pressé pour aller m’échauffer », sourit-il. On ne le refera pas, ou alors pas complètement
L’Equipe