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Affaire PPDA : l'interminable aveuglement de TF1
Des dizaines de femmes accusent désormais Patrick Poivre d'Arvor de les avoir harcelées, agressées ou violées, ainsi que le raconte Hélène Devynck dans un livre coup de poing intitulé « Impunité ». Et dans les coulisses de la première chaîne de France, on ne sait toujours pas comment affronter ce passé qui la hante.
« Mais qu'est-ce qu'elles veulent, ces bonnes femmes, à la fin ? » Parler cash, cuir tanné, Anne Méaux, la communicante consultée par les grands patrons dès qu'une crise pointe son nez, est au siège de TF1, ce 2 décembre 2021. Elle a été sollicitée par son PDG, Gilles Pélisson. L'affaire « PPDA » enfle et la chaîne, où il aurait commis de multiples agressions sexuelles, est questionnée. Anne Méaux est tout sauf insensible au sujet, insiste-t-elle, mais elle doit défendre l'entreprise cotée en Bourse contre une mise en cause qui - pire encore - pourrait gagner sa maison mère, Bouygues, poids lourd du CAC 40. « Mais qu'est-ce qu'elles veulent... » - aujourd'hui, elle ne reconnaît pas ces propos, elle est bien la seule.
« Ce qu'elles veulent ? Simplement la vérité, peut-être ? » lui rétorque Maylis Carçabal, directrice de la communication de TF1. Une autre génération. Mais l'amorce de débat tourne court. Spectateurs de l'échange, il y a là des avocats, le DRH Arnaud Bosom, le secrétaire général Didier Casas, le directeur de l'information Thierry Thuillier...
Alors que « l'affaire » avait semblé s'éteindre avec le classement sans suite de plusieurs plaintes contre PPDA, elle vient de ressurgir, en cette fin 2021, dans le quotidien « Libération » : des femmes, des regardsdardent l'objectif du photographe et, au-delà, Patrick Poivre d'Arvor lui-même. Un jour, il s'était indigné : « Jamais une personne qui ose venir, les yeux dans les yeux, me dire : "là, c'était pas bien". » Cette fois, les yeux dans les yeux, elles l'accusent de harcèlements, d'agressions sexuelles, de viols.
Les victimes présumées de la star du 20-heures, qui a informé 10 millions de Français chaque soir sur TF1 entre 1987 et 2008, paraissent bien plus nombreuses que les huit de « Libé ». Malgré son statut, PPDA était réputé accessible. Surtout pour le beau sexe, semble-t-il. Aspirantes romancières, étudiantes sollicitant un entretien pour leur mémoire, jeunes femmes en souffrance qui quêtaient la compassion de ce papa dont la fille anorexique, Solenn, s'était suicidée... Il les invitait à assister au 20-heures puis les rejoignait dans son bureau alors que la rédaction s'était vidée. Chacune affirme s'être retrouvée dans une situation inimaginable face à un homme de l'âge de leur père. D'autres débutaient à TF1. Toutes, elles se sont tues.
Mais depuis le printemps 2021, la fable du Don Juan, et même du dragueur lourd, a été pulvérisée par un mot dans le rapport du major de police qui a recueilli des témoignages (il y en a maintenant 30), pour certains assortis de plaintes (dix-huit à ce jour, dont huit pour viol, l'une concerne une mineure). Ce mot, c'est « prédateur ». Il fait basculer la France dans sa première grosse affaire post-MeToo.
Alors que Gilles Pélisson est tendu vers le futur, absorbé par le projet complexe de fusion avec M6, le passé toque à sa porte. « Hélène Devynck veut me voir... » dit-il ce 2 décembre, testant les réactions - « Ben... tu la vois, tu l'écoutes », lui rétorque l'assemblée. Première à être sortie de l'anonymat, dans « le Monde », la journaliste Hélène Devynck possède l'aisance sociale pour porter la parole d'autres victimes. En 1993, alors assistante du roi de l'info, elle rédigeait le script du 20-heures. Un soir, chez lui, PPDA l'a violée, dit-elle. « Une relation consentie », s'est-il défendu lors de son audition par la police. Sans rien révéler à personne, sa prometteuse collaboratrice avait alors fui le paquebot TF1 pour sa filiale LCI. Désormais, la question ne peut plus être esquivée : comment gérer un tel fantôme ? Et au-delà : le temple de l'information, où personne n'aurait rien vu, peut-il faire l'économie d'un vaste aggiornamento ?
Des premières rumeurs jusqu'à aujourd'hui,l'image de TF1 a été épargnée. Les patrons de l'époque - Patrick Le Lay et Etienne Mougeotte - sont décédés ; Nonce Paolini, leur successeur, a viré PPDA, et les dirigeants actuels sont arrivés huit ans après son départ. Cette histoire n'est pas la leur. C'est pourtant celle de TF1. L'entreprise a fait le dos rond, bien aise de n'être plus assimilée à la chaîne hégémonique d'antan. Elle y voit la preuve que sa profonde transformation a été perçue. La topographie même des lieux a tellement changé qu'on ne sait plus situer l'ancien bureau du présentateur.
« La thèse de "la vieille affaire" sera sans cesse rappelée pour éloigner le problème », accuse Hélène Devynck dans « Impunité »,le livre coup de poing qu'elle publie au Seuil, ce 23 septembre. Elle juge intolérable cet évitement. « [Tout se passe], écrit-elle, comme si TF1 n'avait pas armé notre agresseur, lui offrant le cadre, le statut, les moyens qu'il a utilisés pour nous violer. » Et la rencontre avec Gilles Pélisson n'a pas dissipé son courroux : « Effacer les violences sexuelles du tableau général de l'entreprise a été leur préoccupation majeure [...]. "Quelle est la responsabilité de TF1 dans cette affaire ?" C'est, à ce jour, une question sans réponse. »
« Ignorance et mépris »
Longtemps, déplore-t-elle, « la chaîne a tenté la stratégie de l'ignorance et du mépris ». Après le choc de « Libé », cette ligne n'est pourtant plus tenable. Ce fameux 2 décembre, Thierry Thuillier annonce donc à la réunion de crise que l'émission« Sept à huit »du 12 décembre traitera de « ce fait d'actualité et de société ». Les femmes concernées se méfient, échaudées par un précédent, survenu neuf mois plus tôt.
C'était le 3 mars 2021 : Patrick Poivre d'Arvor est à « Quotidien » sur TMC, l'une des antennes du groupe. Juste après la toute première plainte contre lui - celle de Florence Porcel - suivie, sur les réseaux sociaux, de bruissements entêtants sur ses comportements. Face à un Yann Barthès, mal à l'aise, il prend l'ascendant, décrédibilise Florence Porcel (« Je ne vais pas demander une expertise psychiatrique »), déplore l'anonymat des attaques, annonce - avis aux fouineurs - une rafale de plaintes en diffamation contre des journaux. Et, enfin, convoque le souvenir de Dominique Baudis, édile injustement cloué au pilori par des journalistes, épisode traumatique pour les médias : « Ne piétinez pas l'innocence », implore-t-il.
Dans les coulisses l'attend Marie-Hélène, son assistante de toujours, déjà à ses côtés à TF1, qui répondait aux innombrables sollicitations, cornaquait les jeunes invitées honorées d'assister au JT, puis les installait dans le bureau de la star : « Patrick arrive... »
Ces vingt-six minutes d'innocence autoproclamée - « Il ne s'est rien passé, cher Yann » - font bondir plusieurs spectatrices. Elles ne se connaissent pas mais l'histoire de Florence Porcel, c'est aussi la leur... La suspicion germe, y compris chez certains des salariés : pourquoi Yann Barthès, qui avait reçu les six victimes de Denis Baupin, invite-t-il, cette fois, un agresseur présumé ? La machine TF1 organiserait-elle, à travers sa filiale TMC, la défense de son ancienne star ? C'est méconnaître la grande autonomie de l'émission.« Les questions ont été posées,proteste un cadre de la Une. Comme dirait Macron, PPDA a pris son risque. » Et comment ! Son attitude a réveillé un geyser de colère chez plusieurs victimes qui, ni une ni deux, sont allées déposer à leur tour devant la police, formant un pack inattendu autour de Florence Porcel, la plaignante zéro.
L'émission « Sept à huit », neuf mois plus tard donc, sera en quelque sorte le droit de réponse de celles qui soutiennent que PPDA, quoi qu'il ait affirmé à« Quotidien », ne s'en tenait pas à des « petits bisous dans le cou », « des petits compliments ». Mais aucune ne parlera sans l'intermédiation du collectif de victimes. Dans son livre, Hélène Devynck cite le propos brutal que lui tient l'un des responsables du « Sept à huit » sur PPDA : « On ne va pas se mentir. Je veux des viols. » On ne va pas se mentir, à la télé, il faut du sensationnel. « Que la chaîne, dans laquelle on a travaillé, fasse un pas vers nous, c'est énorme, quoique compliqué, explique Cécile Delarue, également membre du collectif. Elle ne nous avait pas protégées à l'époque. Dès lors, peut-on lui faire confiance ? »
« Le collectif voulait s'assurer qu'il n'y aurait pas d'instrumentalisation de notre part et que le sujet serait bien diffusé », raconte Thierry Thuillier, qui exige « qu'on entende les deux parties ». De son côté, Poivre d'Arvor s'agite et quand son avocate, qui devait le représenter, invoque in extremis un empêchement, il intime : « Vous ne pouvez pas diffuser. » Comme un fumet d'intimidation que Thuillier ignore.
C'est Harry Roselmack qui présente « Sept à huit ». Quelle ironie ! En 2006, le recrutement de son joker avait tant déstabilisé PPDA qu'il avait répliqué par un frénétique road show humanitaire et... médiatique : en six semaines, couvertures de« VSD » (à Kaboul, son combat pour les enfants), « TV Magazine » (au Tibet pour défendre la liberté de la presse), « Télé 7 Jours » (en Jamaïque pour l'Unicef). L'émission du 12 décembre aligne les témoignages accablants. Muriel Reus, alors cadre dirigeante au sein du groupe, décrit un « Patrick » en caleçon face à elle, qu'elle avait dû raisonner. Surtout, elle implique l'ancien PDG, feu Patrick Le Lay : « Il a osé avec toi aussi ? » aurait-il réagi. Sans suite tangible.
En visionnant « Sept à huit », certaines des « soeurs d'infortune », comme elles se baptisent, sont amères : TF1 s'est gardée de toute promotion en amont ; Roselmack évoque la question du « consentement dans les relations intimes » alors que de nombreux viols sont allégués. L'émission se termine en rappelant que « l'ancien présentateur est toujours présumé innocent ». N'empêche, ce soir-là, devant 4,3 millions de spectateurs, tout le monde retient que TF1 a lâché PPDA.
Ce choix fait cependant grincer en interne. « Etait-ce bien nécessaire ? » s'interrogent certains contemporains de « Poivre », toujours nombreux à TF1 et blessés qu'on les soupçonne de s'être tus face à ses agissements. Leurs jeunes confrères, qui entraient au collège quand PPDA quittait TF1, ont surtout en tête sa marionnette aux « Guignols ». Difficile pour eux d'imaginer l'aura de l'homme le plus puissant de la chaîne la plus puissante. Difficile aussi d'imaginer le rapport de force qu'il avait réussi à imposer à ses patrons. Patrick Le Lay économisait son estime pour la rédaction - « Vous avez une carte de presse ? avait-il lancé un jour à la Société des Journalistes de TF1. Les putes aussi avaient une carte sous Vichy ! » Mais avec « Poivre », c'était spécial, ils partageaient l'amour de la Bretagne. Etienne Mougeotte « était le seul que Patrick écoutait,assure l'un de ses collaborateurs. Malgré tout, Etienne prenait des pincettes. »
Quant au grand public, il avait succombé à son charme dans les années 1970, via la légende des « Nouveaux Romantiques »,ce groupuscule qui réunissait, outre l'intéressé, Gonzague Saint Bris, Brice Lalonde, Frédéric Mitterrand... Est-ce dans cet esprit qu'ont été écrites les lettres imaginaires à ses filles dans « les Femmes de ma vie » (Grasset, 1988) sans susciter la moindre polémique ? L'aînée, Dorothée, écrivait Poivre d'Arvor, « tentait de se débarrasser, non sans quelques errances, de sa virginité et de son ascendance. Et le père au cuir réputé tanné, qui ne détestait pas au passage respirer le goût de lait des adolescentes de la génération de sa fille, le père vivait effroyablement cette perte d'innocence. A treize ans, j'eus peur qu'on me la viole, à quatorze qu'on s'amuse avec elle, à quinze qu'on ne me l'emprunte, à seize, qu'on ne me la vole. » S'adressant à Solenn, 11 ans et demi : « L'autre jour dans ton bain, j'ai vu tes seins que tu caches toujours, les bras en croix, comme s'ils te pesaient, et qu'un jour tu exposeras avec orgueil, pour attiser le désir des mâles. Des seins blancs, des seins de lait et qui donneront un jour le lait à tes bébés. » Mais non, personne n'a relevé...
Mieux, « il a [pour son public], confiait l'ex-directrice de marketing de TF1, Catherine Grandcoing, dans "TF1, un pouvoir" de Pierre Péan et Christophe Nick (Fayard, 1997), l'image de coupable de plein de trucs et, en même temps, l'image d'un homme qui souffre énormément. Un mélange qui le rend positif. »
Retour, ce 2 décembre 2021, dans la tour dominant la Seine. Durant la réunion de crise, plusieurs pressent le PDG Pélisson : « Gilles, il faut que tu parles ! » Une parole à la hauteur du traumatisme, à l'unisson aussi de l'époque qui réclame, pour les victimes, contrition, compassion et excuses. Résultat ? « Gilles » n'apparaîtra en rien dans « Sept à huit »,TF1 opte pour un communiqué lu à l'antenne : rien d'incarné, aucune émotion, le minimum syndical et lexical. « Au moment où j'écris ces lignes,souligne aujourd'hui Hélène Devynck dans "Impunité", c'est toujours la seule et unique réaction officielle de TF1. »
L'influente Anne Méaux a exhorté à la prudence. Parler, c'est risquer le mot de travers, juridiquement utilisable contre l'entreprise. Ce serait aussi sembler faire la leçon aux prédécesseurs. Nul n'a envisagé que l'actionnaire, Martin Bouygues, figure tutélaire depuis 1987, s'exprime.
Pas question de copier la BBC
« C'est culturel chez Bouygues, le passé est le passé, on ne remue pas la m... » analyse un ancien cadre. Réflexe de survie pour un groupe qui fut mêlé à diverses affaires (ententes pénalisées par l'Autorité de la Concurrence, financement politique...). Alors, lancer une vaste enquête interne comme la réclament les victimes, c'est niet. Pas question de copier la BBC, confrontée au cas - similaire - de sa star, l'excentrique Jimmy Savile, dont on découvrit post mortem, en 2012, la nature d'abuseur sexuel en série.
Le nouveau boss, Tony Hall, chargea une juge en retraite d'investiguer : trois ans et 380 entretiens plus tard, elle cinglait dans un rapport de 782 pages (budget : 6,5 millions de livres sterling) : « La BBC se montrait tolérante, au moins par le passé, envers des conduites inappropriées de stars parce que celles-ci avaient plus de valeur que les valeurs de la BBC. » Tony Hall adressait des excuses solennelles aux victimes : « La BBC vous a laissées tomber alors qu'elle aurait dû vous protéger. » Une série avec Steve Coogan en Jimmy Savile est annoncée, sur la chaîne même du prédateur, pour 2022.
« Pourquoi, réagit notre ancien salarié, la direction de TF1 ne lance-t-elle pas ce genre d'introspection ? Son risque serait faible et son gain d'image, fort... » Faible, qui peut le certifier ? Le cadre initial peut déborder sur la période actuelle. Et une plongée dans les eaux profondes des années fastes croiserait d'autres cas comme le producteur Gérard Louvin alors toujours escorté de - très - jeunes gens, et l'ex-présentateur adulé d'« Ushuaïa » Nicolas Hulot : les plaintes pour viols les visant ont été classées pour prescription. Mais aussi le réalisateur du 20-heures de PPDA, Jacques Asline, mis en examen pour présomption de
détention d'images pédopornographiques (il s'est suicidé) ou le souvenir de personnalités poursuivies pour leurs comportements ultérieurs comme Jean-Luc Lahaye (mis en examen pour des faits présumés de viols sur mineures et un temps incarcéré) ou Jean-Marc Morandini (qui comparaîtra en correctionnelle le 24 octobre pour présomption de corruption de mineurs).
« Les raisons qui scellent l'omerta de TF1 sont-elles à chercher du côté de ce qu'on savait sans savoir, de ce qu'on voyait sans voir ? » s'interroge Hélène Devynck. A ce stade, TF1 s'arc-boute sur « la priorité donnée au corps social d'aujourd'hui »,en nous répondant que celui-ci « doit se sentir protégé grâce à une politique claire de tolérance zéro ». Grâce aussi au déploiement d'un attirail de mesures censées libérer la parole. Avec « Sept à huit » en sus, « TF1 a fait le boulot », estimera Thuillier sur France Inter.
Ce n'est certainement pas l'avis de Marilyn Baldeck, déléguée générale de l'Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail (AVFT). Ce refus d'une enquête cathartique la consterne :
« TF1 ne fabrique pas des boulons en Lozère : son statut lui donne un devoir d'exemplarité et celui de participer à un mouvement. Elle devrait s'abstenir de ne rien faire ! Sa réaction rend même inefficace sa politique de prévention actuelle : pour nouer un lien de confiance, l'employeur doit donner des gages. »
Un employeur si aveugle et si sourd... Pourtant en 1989, déjà, le journal d'extrême droite « Minute » titrait « Quand une star abuse d'une lycéenne : un satyre à TF1 », avec une description physique sans ambiguïté de PPDA. Pourtant durant dix ans, la directrice d'une école de journalisme n'a envoyé aucune stagiaire féminine à TF1 car la « réputation [de Patrick Poivre d'Arvor], c'est qu'il attaquait les filles »,a-t-elle dit à « Complément d'enquête », en avril dernier. Pourtant, en 2009, l'humoriste Stéphane Guillon profitait de la venue de DSK sur France Inter pour épingler le récent limogé de la Une : « Tous les endroits sombres et reclus de la station - parking, toilettes et certains placards - ont été condamnés. Une mesure souvent prise à TF1 lorsque PPDA écumait les couloirs. » Décidément, l'extérieur captait mieux les signaux faibles.
« Qu'il se passait des choses dans le bureau de Poivre, le soir, oui, on s'en doutait, concède une huile de l'époque. Mais on n'avait jamais envisagé que cela puisse mal se passer. » Hélène Devynck y voit « la présomption irréfragable de consentement qu'on accorde aux hommes haut placés ». Nonce Paolini, le PDG qui a viré PPDA, partage avec ses successeurs un discours : il y a une affaire Poivre d'Arvor, pas une affaire TF1.
Suffit-il de le décréter ? Rien n'est fini. Florence Porcel s'est portée partie civile, ses plaintes sont réexaminées ; et si celle de PPDA pour dénonciation calomnieuse aboutit, le procès des seize femmes concernées sera fatalement - aussi - celui de TF1 ; le 10 mai dernier, vingt des « prescrites », comme elles se surnomment, ont crevé l'écran, incarnant, sur le plateau de Mediapart, une force accusatrice et déterminée ; elles ont collecté, à ce jour, quatre-vingts témoignages de femmes s'estimant victimes du présentateur. Trois cas - dont deux à TF1 - seraient non prescrits sans s'être pour autant signalés à la police. On se souvient qu'en 2015 la couverture noir et blanc du « New York Magazine » alignait 35 femmes assises, mains sur les genoux, qui fixaient l'objectif : les accusatrices de Bill Cosby, la star de la chaîne NBC. 35 femmes « prescrites » et... une chaise vide pour celle qui n'a pas encore parlé. La responsabilité de TF1, personne morale, ne peut plus être engagée, mais la chaîne n'est pas quitte en termes d'image. Un viol qui aurait été commis dans ses locaux entre le 10 mars 2007 et le 10 juillet 2008 (jour du départ de PPDA) ne serait prescrit - pour son auteur - qu'après vingt ans. La menace, c'est la chaise vide.
Le Nouvel Observateur