Le topic du climat

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Re: Le topic du climat

Messagepar Dragan » Hier, 10:40

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La Durance, une rivière domptée au détriment du vivant

Les eaux détournées de la Durance, véritable artère énergétique aménagée dès les années 1950 par un vaste réseau de barrages et centrales hydroélectriques, sont indispensables à la prospérité de la Provence. Mais ces aménagements et prélèvements ont des conséquences écologiques majeures sur la biodiversité.

Dans le cadre de l’étape marseillaise du Climat Libé Tour, le 10 octobre 2025, des étudiants en master journalisme à Science Po Aix et à l’EJCAM Marseille ont travaillé en partenariat avec l ’Office français de la biodiversité et le service data de Libération. Nous publions aujourd’hui leurs articles.

Au pied des Alpes, la Durance s’étire comme une promesse d’eau dans un pays qui s’assèche. Façonnés par la main de l’homme, ses lacs et barrages ont longtemps tenu la sécheresse à distance, irriguant terres, villes et cultures. Mais sous l’effet du réchauffement climatique, la mécanique s’enraye : la neige se raréfie, les réserves s’amenuisent. Et avec l’eau qui s’efface, ce sont aussi les truites, libellules et oiseaux d’eau qui disparaissent, lentement mais sûrement. Une oasis qui perd sa voix vivante.

Au fil des décennies, cette rivière emblématique de Provence, a été profondément transformée en un système hydraulique ultra-régulé. Objectif : produire de l’électricité, irriguer, alimenter en eau potable. «C’est vraiment un aménagement qui est multi-usages», résume Dominique Beaudou, chargée de mission au service Appui des Acteurs et Mobilisation des Territoires (AAMT) de la direction interrégionale PACA Corse de l’Office français de la biodiversité (OFB).

Le barrage de Serre-Ponçon est au cœur du dispositif. Cette immense réserve d’eau irrigue les terres agricoles, et répond aux besoins en eau de plusieurs villes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, notamment Marseille. Mais la Durance dépasse désormais largement son bassin naturel. «Il y a de l’eau de la Durance qui abreuve l’agglomération marseillaise alors qu’une goutte d’eau tombée sur le bassin-versant de la Durance rejoindrait naturellement la mer via le Rhône», mesure Dominique Beaudou. Cette redistribution forcée, utile aux activités humaines, a irrémédiablement bouleversé le fleuve : «On a complètement transformé le fonctionnement de la Durance. On a modifié l’hydrologie, le régime des débits, le transport des sédiments, et donc les milieux au sens large.»

Cette transformation a profondément impacté les bassins-versants, zones naturelles où s’organisent le ruissellement et l’alimentation des cours d’eau. Leur fragmentation par les barrages et les canaux a diminué la connectivité entre les affluents et la Durance principale, restreignant les échanges sédimentaires et biologiques cruciaux.

Depuis l’installation des grands ouvrages hydrauliques, la surface fonctionnelle de ces bassins s’est réduite – comme le souligne le graphique ci-dessous - augmentant la vulnérabilité écologique du réseau fluvial.

CARTE

Des conséquences en cascade sur les écosystèmes

Le constat est sans appel : les éclusées – ces variations brutales et fréquentes du débit du cours d’eau liées à l’exploitation des barrages - malmènent la faune aquatique sur le tronçon d’environ 45 kilomètres en aval de Mallemort. «Au moment où le débit monte, il peut y avoir des effets d’entraînement des individus, notamment des invertébrés qui sont au fond du cours d’eau», précise Dominique Beaudou. Lorsque l’eau redescend brutalement, le phénomène inverse se produit : «Les insectes et les larves de poissons ou les espèces de petite taille, qui nagent lentement, n’arrivent pas à suivre.» Réfugiés sous les galets ou coincés dans des flaques, ils meurent ou deviennent la proie des oiseaux piscivores.

Ces effets sont d’autant plus préoccupants que la Basse Durance abrite une biodiversité remarquable : une trentaine d’espèces de poissons d’eaux vives, dont le barbeau fluviatile, le chevaine ou le spirlin, mais aussi l’apron du Rhône, un percidé endémique du bassin rhodanien aujourd’hui en danger critique d’extinction. Le tronçon accueille également deux espèces migratrices amphihalines - des poissons qui alternent entre eau douce et eau salée au cours de leur vie -, l’alose feinte de Méditerranée - un petit poisson migrateur méditerranéen qui remonte les rivières pour se reproduire - et l’anguille européenne, pour lesquelles la Basse Durance constitue le premier affluent accessible depuis la mer. La violence des variations de débit peut ainsi perturber leurs déplacements et fragiliser davantage des populations déjà vulnérables.

Cette perturbation hydrologique ne se limite pas aux effets directs sur la faune : elle transforme aussi la structure même du milieu, altérant la configuration des habitats nécessaires au maintien des cycles biologiques. Une modification d’habitats synonyme de nouvel obstacle pour de nombreuses espèces cherchant à remonter vers les têtes de bassins-versants. Truites et cyprinidés d’eaux vives - des poissons de rivière aimant le courant - se retrouvent ainsi incapables d’accéder à leurs zones de reproduction.

Les aménagements hydroélectriques ont également des effets notables sur l’avifaune. La dégradation des habitats, le dérangement des oiseaux en période de nidification et le risque accidentel de destruction d’individus lors des travaux peuvent entraîner un déclin de certaines espèces, notamment sur les zones de berges, en moyenne et basse Durance.

GRAPHIQUE

Depuis 2015, une expérimentation vise à atténuer la brutalité de l’ouverture des barrages. Contactée sur ce point, EDF n’a pas donné suite à nos sollicitations. Contactée sur ce point, EDF n’a pas donné suite à nos sollicitations. Selon le guide EDF Biodiversité Hydraulique, «la restauration écologique tente de redonner à la nature ses qualités d’origine et vise l’intégration écologique et paysagère des ouvrages». Le document précise qu’une «évaluation de l’évolution des milieux créés par du génie écologique est indispensable et permet de mesurer l’efficacité des travaux.» Et d’ajouter : «Elle s’opère par un suivi d’indicateurs appropriés. Il est souvent nécessaire de faire des ajustements pour optimiser au mieux le comportement du milieu recréé face aux contraintes environnementales.» Mais ces efforts ont un coût : «Les éclusées adoucies désoptimisent partiellement la production», selon Dominique Beaudou, qui souligne que «la chaîne hydroélectrique fonctionne souvent en cascade. Pour EDF, c’est une perte financière. »

Une rivière populaire pourtant délaissée

Si les chercheurs alertent sur une perte certaine de biodiversité liée à la transformation de la Durance, les citoyens, eux aussi, se mobilisent. La pétition «Durance, sujet de droit : soutien à la déclaration des droits de la rivière», lancée en avril 2024 par SOS Durance Vivante, a déjà recueilli plus de 8 000 signatures, dont celle de l’eurodéputée LFI Marina Mesure. Diffusée en ligne, elle s’adresse à tous les gardiens, porte-paroles de la Durance et de ses affluents. L’association revendique huit droits fondamentaux pour la rivière. Le premier : celui d’exister, de s’épanouir et de s’écouler librement. La Durance comme être vivant.

En juillet 2025, un deuxième contrat de rivière «Durance et Affluents» a été signé pour une durée de cinq ans. Ce dispositif, à la fois technique et financier, associe l’État, les collectivités locales, l’agence de l’eau et différents acteurs du territoire. Si ce contrat évoque la «reconquête de la biodiversité», celle-ci n’apparaît qu’en toile de fond d’un programme d’actions largement centré sur la gestion de la ressource et la prévention des risques d’inondation.

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