Information
Relations tendues entre les anciens alliés : OM-PSG, c'est désormais la guerre froide
Longtemps alliés des décideurs parisiens, Frank McCourt et Pablo Longoria ont fait le choix de la rupture, début 2025. Pour des raisons politiques et économiques.
Après un éprouvant conseil d'administration de la LFP pour son retour de suspension, lundi dernier, Pablo Longoria a tapé dans le dos de Vincent Labrune, en toute bonhomie et cordialité. Tous les dirigeants présents ont regardé la scène avec incrédulité : le président de l'OM voulait la tête de Labrune quelques jours plus tôt, participant à un putsch raté, faute d'alliés.
Invité au Vélodrome, dimanche, et présent lors des derniers Classiques, Labrune n'a pas encore répondu à l'OM. S'il venait, alors que Frank McCourt et Nasser al-Khelaïfi sont attendus, il faudrait demander à Ligue 1+ de sonoriser la corbeille présidentielle. Depuis 2011, et la prise de contrôle qatarienne dans la capitale, jamais la relation entre l'OM et le Paris-SG n'a été aussi glaciale. Un fossé d'autant plus spectaculaire que les deux clubs marchaient encore main dans la main fin 2024.
Lundi, au petit matin, Pablo Longoria a expliqué sur France Inter : « Le Paris-SG a très bien joué le jeu de la politique dans le football, à tous les niveaux. Je respecte cela. Mais prendre une position toujours plus individualiste ou chercher à contrôler tous les mouvements, sans le dialogue, c'est difficilement acceptable. Il n'y a pas de dialogue, ou de situation collective. (...) Je ne me sens pas représenté. Je ne suis pas d'accord avec cette situation. »
Le lundi après-midi n'a pas été des plus fructueux, rayon « dialogue ». Assis à la droite d'Al-Khelaïfi, Longoria a été la cible d'un long discours de Waldemar Kita, le président nantais. Fermé, le patron du PSG n'a pas adressé la parole à son homologue olympien, évoquant Longoria deux ou trois fois avec des pronoms indéfinis, sans jamais le nommer directement.
McCourt a longtemps été un allié politique et économique du PSG
Du côté parisien, on soupire sur le sujet Longoria, prétextant un manque de colonne vertébrale de l'Espagnol, et une réécriture de l'histoire. Pour l'état-major parisien, McCourt a longtemps été un allié politique et économique, dans le respect, échangeant avec Al-Khelaïfi sur le football français avant d'acheter l'OM, à l'été 2016.
Une relation modèle entre deux propriétaires de grands clubs, ne cédant pas à des conflits populistes, tentant plutôt de créer une rivalité saine pour la L1. En 2023, Al-Khelaïfi a poussé pour installer Longoria au bureau de l'ECA (l'Association européenne des clubs). De la même façon que Labrune, sur la demande de McCourt, a milité pour que Longoria intègre le conseil d'administration de la LFP fin 2022, puis accède à la vice-présidence du même CA, à l'automne 2024, une place promise à Jean-Pierre Rivère (OGC Nice).
Les mois précédant cette nomination, Longoria a accompagné Labrune, Al-Khelaïfi, Rivère et Maarten Petermann (le propriétaire du LOSC) à Londres, pour rencontrer le patron de DAZN, Len Blavatnik. Et le 14 juillet 2024, lors de la réunion des présidents du collège de L1, Longoria assure sa confiance à deux personnes, selon le PV officiel : « Merci Nasser, je te le dis publiquement, pour ta coopération dans les derniers moments. Merci Vincent pour l'engagement et je suis témoin, comment tu t'es engagé pour tout le monde dans les derniers jours. »
Dans le sillage d'Al-Khelaïfi, Longoria vote pour la réélection de Labrune à la présidence de la LFP, ironisant sur Cyril Linette en privé : le candidat l'a appelé pour présenter son programme alors qu'il y a une soirée des barrages de C1 à la télé, et le président de l'OM trouve ça lunaire.
Le détroit entre l'OM, d'un côté, le Paris-SG et la LFP, de l'autre, va se creuser début 2025. Rien de sportif, le directeur du foot Medhi Benatia apprécie Al-Khelaïfi, échange régulièrement avec Ousmane Dembélé et loue le nouveau modèle parisien. De la politique, uniquement. « Ce qui n'a pas aidé, c'est quand Pablo a perdu la tête, crié dans tout le stade et expliqué à l'antenne qu'il voulait rejoindre la Superligue », dit-on dans l'entourage d'Al-Khelaïfi, en faisant référence au dégoupillage d'Auxerre (*), le 22 février.
Le synopsis semble pourtant plus complexe. En ce mois de février, Longoria revient des États-Unis, et il a une grosse pression de McCourt, lassé de remettre au pot chaque saison. Comment expliquer des comptes qui ne s'équilibrent pas, saison après saison ? La gouvernance de la LFP et l'hégémonie du PSG deviennent de bons thèmes.
(*) Excédé par l'expulsion de Derek Cornelius lors du match Auxerre-OM (3-0), Longoria avait crié à « la corruption, la vraie corruption » dans les couloirs de l'Abbé-Deschamps. Avant d'ajouter : « C'est un Championnat de merde, si la Superligue vient nous voir, on y va tout de suite ». Il avait été suspendu 15 matches ferme par la commission de discipline de la LFP.
Une communicante de McCourt a joué un rôle clé
D'autant qu'une actrice de premier plan s'active, dans l'ombre. Communicante de McCourt, via la société Image 7, Anne Méaux conseille Philippe Diallo, le président de la FFF, qui veut réformer les instances, et elle réunit les intérêts de chacun. Au printemps, soutenu par Shéhérazade Semsar-de Boisséson, PDG de McCourt Global, un Longoria suspendu travaille sur un plan, l'achat de deux rencontres de L1 par Canal+ pour 300 M€, une lubie vite abandonnée. Des visio-conférences dites de l'opposition sont montées, en mai, et certains présidents de clubs y débarquent tranquillement en se croyant à des réunions officielles. Al-Khelaïfi et les partisans de Labrune découvrent vite le pot aux roses, les relations se rafraîchissent.
En septembre, Longoria pousse Jean-Michel Roussier, son ami du Havre, et Méaux repart au front en associant, dans une interview au Figaro, McCourt à Joseph Ourghalian (RC Lens), opposant proclamé, lui. « Joseph et moi avons de très bonnes relations avec Nasser, déclare l'Américain de 72 ans. Nous voyons juste le monde différemment. Il a récemment expliqué que le sacre du PSG en Ligue des champions était la preuve que les choses fonctionnent bien au sein de la LFP. Pour lui, la Ligue semble fonctionner parce que ça fonctionne bien pour le PSG. Je pense que nous avons une vision nettement différente du sujet. » Ils auront l'occasion de les confronter dimanche.