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Rulli, déjà parmi les plus grands
En seulement 48 apparitions sous la tunique olympienne, le gardien argentin, accueilli à l’été 2024 avec scepticisme, a mis tout le monde d’accord. Mieux, il s’est assis, grâce à son style et surtout son efficacité, aux côtés de ses illustres aînés.
Sur lui, Geronimo Rulli, personne n’aurait misé un kopeck. En ce 11 août 2024, son acte de naissance en Provence, l’Argentin était accueilli avec défiance. Ravis de tourner la page Pau Lopez, les supporters attendaient mieux, bien meilleur, pour défendre le temple olympien. Ils rêvaient de Brice Samba, Alvaro Valles, Filip Jorgensen ou David De Gea. Le triumvirat Longoria-Benatia-De Zerbi leur a offert "Gero" Rulli, un gardien de 32 ans, récemment blessé et déclassé au sein d’un piètre Ajax.
À cette époque où le scepticisme régnait, si les bookies avaient ouvert les paris, une immense majorité du peuple marseillais aurait posé ses économies sur "l’erreur de casting". Personne, sauf quelques fous et, peut-être, de rares experts, tel De Zerbi, n’aurait prédit une franche réussite. Alors, l’imaginer assis, quinze mois plus tard, à la table des plus grands Olympiens…
"Dans le top 10…"
Ce pur délire est aujourd’hui un débat crédible. Une conquête fulgurante. Au bout de 9 minutes en ciel et blanc, le natif de La Plata avait déjà mis tout le monde d’accord, chassé les doutes qui escortaient son arrivée. Depuis son baptême à Brest, ce premier penalty d’une impressionnante série, Geronimo Rulli a porté la tunique immaculée (sauf pour lui), seulement, à 48 reprises. Le champion du monde 2022, dans l’ombre de Dibu Martinez, n’a (encore) jamais ramené un trophée sur le Vieux-Port. Il se contente de dizaines de points glanés, ou préservés, grâce à ses miracles sur et loin de sa ligne. Signe qui ne trompe pas, il est le seul joueur dont le nom est scandé, sans faute, par les virages du Vel'. Un stade qui adore s’enflammer pour ses protégés, mais ne s’incline que très rarement en signe de respect.
"Tout cela reste très subjectif, mais je le mets dans le top 10, glisse Alain Pécheral, ancien suiveur de l’OM pour Le Provençal, et auteur de La Grande Histoire de l’OM. Au-dessus de tous, il y a Fabien Barthez (228 matches, 1992-95 et 2004-06) et Steve Mandanda (613, 2007-22). Rulli, je le place en embuscade, dans un groupe avec Laurent Di Lorto (106, 1931-36), Jean-Paul Escale (326, 1960-71), Georges Carnus (137, 1971-74), Joseph-Antoine Bell (137, 1985-88) et Vedran Runje (103, 2001-04). Pour compléter, il y aurait Vasconcellos (69, 1936-39) et Armand Liberati (149, 1946-53). Di Lorto était, paraît-il, très brillant sur sa ligne, sûr et rassurant. Vasconcellos était fantasque, capable d’exploit mais aussi de prendre des buts bêtes. La régularité démarque aussi les meilleurs, comme Jean-Paul Escale, qui a tout connu à l’OM."
"L’homme de la dernière chance"
Autre mémoire du club, pour lequel il a presque endossé tous les costumes, en 61 ans de vie commune, Robert Nazaretian hisse, lui aussi, très haut l’ange gardien argentin. "C’est difficile de comparer aux anciens, qui ne faisaient pas le même sport, sans le jeu au pied. À l’époque de Jean-Paul (Escale), il n’y avait pas d’entraînement spécifique, les gardiens couraient avec le reste de l’effectif, se marre le vice-président de l’association OM, ex-joueur du centre, de l’équipe réserve et membre du staff médical. Sur son premier passage, Barthez est le plus grand de tous. Comme Rulli, il n’avait peur de rien. Dans les pieds, les duels aériens, il y fonçait toujours. Ils ont tous les deux ce coup d’œil, ce sens de l’anticipation. Forcément Mandanda, pour sa longévité. Il ne nous a jamais déçus et tant de fois sauvés. J’ai un goût d’inachevé avec Gaétan Huard (80 matches, 1988-91), qui aurait pu devenir un très grand de l’OM, s’il ne s’était pas cassé la jambe. Rulli est là, entre eux."
Si son bilan chiffré ne lui rend pas honneur (voir ci-contre), la faute à la philosophie défendue par De Zerbi et aux carences de ses camarades, "Gero" s’est forgé sa réputation avec une ligne de stats ahurissante. 40%, son taux de réussite sur penalties. De très loin, la meilleure marque posée par un gardien olympien au XXIe siècle, si ce n’est dans l’histoire (de mémoire d’homme). "Outre ce côté spectaculaire, il a cette capacité, comme Barthez, d’être très, très fort dans les un contre un. Quand vous voyez un attaquant adverse foncer vers le but, vous vous dîtes qu’il y a encore espoir. Rulli, c’est l’homme de la dernière chance, relève Alain Pécheral. Oui, il a eu un petit trou d’air la saison passée… mais à moins d’un cataclysme, il mérite de figurer dans le petit cénacle." Et Robert Nazaretian de conclure : "Le problème, c’est que les trophées sont souvent le juge de paix. Par contre une chose est sûre, comme Waddle ou Papin avant lui, Rulli a trouvé son club. Un club qui lui ressemble et où il peut donner sa pleine mesure, être exceptionnel."
La Provence