I… comme Icare

Tout au long de la semaine passée, la ville de Marseille s’est laissé rattraper par une fièvre passionnelle. Celle qui la transcende quand, face à un rival emblématique, son Olympique de football se prépare à disputer une rencontre perdue d’avance sur le papier. Une fièvre synonyme d’insoumission, comme l’évoquait gaillardement le président Jacques-Henri Eyraud en avant-match de cet OM-PSG. Une fièvre qui fascine les médias et fait écho à certains clubs étrangers. Une fièvre contagieuse, souvent salvatrice et parfois aussi, dangereuse…

Pyromanie

Dimanche dernier, le Paris Saint-Germain se déplaçait sur la pelouse d’un stade Vélodrome plus volcanique que l’Etna. Un rendez-vous très attendu par les supporteurs et fêté avec emphase dans les rues de la cité phocéenne au point de faire le tour des réseaux sociaux.

Quelques minutes avant le coup d’envoi, le record d’affluence de la Ligue 1 était battu dans la seule enceinte le permettant en France : 65 252 spectateurs !

« À jamais les premiers », comme toujours…

Un tel emballement étonne alors que le stade sonne plutôt creux en temps normal. Le footixisme ambiant pourrait suffire à expliquer cet épiphénomène, autant que le fait de voir des stars fouler la pelouse de Marseille, comme aimait à le dire l’ancien président…

À l’inverse, les tribunes devraient toujours être bien garnies pour soutenir une équipe en quête d’un semblant de compétitivité après l’incurie des années passées. En réalité, les années d’errance de l’Olympique de Marseille ont sérieusement émoussé l’enthousiasme réel des supporteurs et il faudra du temps pour faire oublier l’ère Louis-Dreyfus.

Faisant fi de ce constat, les déclarations des uns et des autres laissaient pourtant à penser que nous allions assister à un match âprement disputé.  D’un côté, un OM conquérant à domicile et galvanisé par son public, de l’autre un PSG dans l’obligation de gagner pour rattraper Monaco et Nice en tête de la Ligue 1.

Au reste, les joueurs de la capitale affirmaient venir en mode « Barça » tandis que l’entraîneur marseillais, à défaut de promettre un résultat positif, nous jurait que son équipe donnerait tout et que les joueurs feraient honneur au maillot…

En somme, tous les ingrédients d’un affrontement grandiose étaient réunis et contrastaient avec la morosité du match aller, malgré son issue plutôt flatteuse pour l’OM.

Une humiliation en mondovision

Au coup d’envoi, Garcia déployait son inamovible 4-3-3, avec le retour de la charnière Fanni-Rolando et un tandem de relayeurs composé de Zambo-Anguissa et Lopez. En l’absence de Gomis, Njie occupait la pointe de l’attaque.

De leur côté, dans un schéma symétrique, les Parisiens, n’opéraient qu’un seul changement avec Pastore sur l’aile gauche en lieu et place du duo Draxler/Di Maria. Pour le reste, il s’agissait bien la grosse équipe du PSG, celle qui venait de terrasser le Barça quelques jours plus tôt…

Et très vite, l’enthousiasme exacerbé des fans marseillais était rabroué.

De manière incompréhensible, Payet se retrouvait au marquage de Silva et laissait ce dernier libre de remiser de la tête vers Marquinhos, qui lâché par Evra, ouvrait la marque. Six petites minutes s’étaient écoulées et l’OM avait  déjà la tête sous l’eau.

D’ailleurs, plus rien n’irait dans le sens des locaux au cours d’un match retransmis par plus d’une quarantaine de diffuseurs à travers le monde.

En dépit de réactions éparses, comme une frappe de Payet effleurant le poteau de Trapp, les Marseillais faisaient honte aux supporters présents ainsi qu’au blason olympien. Sans forcer leur talent, les Parisiens jouaient leur partition à la perfection face à des Olympiens complètement dépassés.

Aucun pressing, aucune envie, aucune anticipation : l’OM était pitoyable.


Seuls Yohan Pelé, et dans une moindre mesure William Vainqueur et Dimitri Payet essayaient de surnager dans ce qui s’apparentait déjà à un véritable naufrage.

Pire encore, les statistiques donnaient l’illusion que les débats étaient équilibrés alors que dans les faits, les visiteurs ne concédaient le cuir que pour mieux le subtiliser à leurs malheureux hôtes. Un peu comme comme un chat jouant avec une souris incapable de lui échapper, avant de décider de son sort… Et, en dépit d’une anecdotique réduction de la marque par Fanni (71e), c’est en marchant que le PSG, inscrivait quatre nouveaux buts signant ainsi sa plus large victoire sur la pelouse marseillaise.

Clin d’œil du hasard oublié par les  journalistes parisiens, le PSG avait déjà battu l’OM sur un score identique en 1978, mais à Paris cette fois, deux jours seulement après la suspension à vie du président Daniel Haechter suite au scandale de la double billetterie du Parc des Princes.

Assommés, incrédules devant un tel outrage, les aficionados de l’Olympique de Marseille avaient quant à eux, commencé à quitter l’enceinte du Stade Vélodrome à l’heure de jeu, juste avant le quatrième but (Draxler, 61e)…

Un cauchemar vous dites ?

Dire, c’est faire rire…

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il y a bien des enseignements à tirer d’une telle humiliation.

En premier lieu, l’engouement autour de la rencontre a été extrêmement mal maîtrisé par l’équipe dirigeante. Dans l’optique de motiver les troupes et de remplir le stade, Frank McCourt et le président Jacques-Henri Eyraud ont évoqué des jours durant l’intérêt d’une bonne performance quitte à de se projeter dans le futur avec une phrase assassine : « La volonté affichée est que l’OM soit sûr de gagner ses matchs face à Paris et que ces mêmes Parisiens s’inquiètent de ne plus pouvoir nous battre à l’avenir. »

Quelle imprudence !

Cette outrance dans la communication d’avant-match a eu pour effet d’échauffer les esprits et convaincu les plus crédules des supporteurs marseillais que tout était possible. Sauf que dans une cruelle logique, la réalité a rapidement anéanti les espoirs les plus fous.

À quelques heures d’affronter l’armada parisienne, une équipe très supérieure à l’OM et de surcroît, obligée de gagner pour ne pas se laisser distancer, c’était sans doute malvenu…

Pointe ébréchée

Ensuite, cette déroute face au PSG a fait rejaillir les carences d’un effectif resserré et globalement médiocre, ainsi que les limites d’un entraîneur trop engoncé dans ses habitudes.

En effet, depuis l’arrivée de Rudi Garcia, trois jours avant le déplacement au Parc des Princes, l’eau a coulé sous les ponts. Sous sa férule, l’équipe est passée par des hauts et des bas, mais à l’exception de deux matchs (Paris et Monaco), a toujours évolué en 4-3-3.

Un schéma audacieux et exigeant en regard du profil des joueurs et de la répartition des rôles dans un collectif. Catastrophique en défense et trop fragile dans l’entrejeu pour bousculer des blocs bien positionnés, l’OM s’est ainsi longtemps reposé sur les fulgurances de son attaquant vedette.

Or, si cette faiblesse assumée lui servait de paravent, il a bénéficié d’un bon mercato d’hiver qui aurait dû combler tous les manques. Morgan Sanson, Patrice Evra, Dimitri Payet et Grégory Sertic sont de bons joueurs, mais aucun d’eux ne peut réellement jouer avant-centre ou stoppeur (bien que Sertic puisse évoluer à ce dernier poste)…

Conscients des faiblesses de l’OM, les supporteurs marseillais et les observateurs s’en étaient d’ailleurs émus, bien avant la blessure fatidique de Gomis en février…

On ne change pas une équipe qui perd

De fait, avant d’affronter une équipe comme le PSG, toute personne sensée aurait revu ses ambitions à la baisse en l’absence du point fort du club : le fer de lance, crucial dans un 4-3-3. Dans l’esprit de l’ancien coach de la Roma, il n’était cependant pas question de changer de style.

Cette philosophie résolument offensive correspond assez bien à l’ADN de l’écurie olympienne, toutefois, lorsque les chevaux sont au mieux des poneys, au pire des ânes, la performance s’éloigne cruellement tandis que les erreurs s’accumulent. Ce choix initial, s’est avéré désastreux et au grand dam des supporteurs marseillais, le champion de France 2011 n’a pas tenu compte des revers subis par l’OM contre Monaco, Metz ou Nantes.

Ses choix particulièrement risqués n’ont même provoqué aucune remise en question de sa part avant ce fameux OM-PSG. Il aurait pourtant dû comprendre que sa formation fétiche ne pouvait fonctionner qu’avec de très bons joueurs et un véritable avant-centre !

Et le constat est terrible : en répétant les mêmes erreurs, il a handicapé son groupe qui piétine au classement. Un comble pour un technicien de renom choisi pour bâtir un groupe solide dans le cadre d’un projet de reconquête !

Ce n’est pas renoncer à ses principes que de faire le dos rond pendant six mois dans l’attente de joueurs de qualité ! Et dans ce contexte, l’absence de pragmatisme de Garcia est problématique.

Il est en effet, dans l’incapacité de trouver un système adapté à son groupe actuel et tente vainement de forcer l’adhésion des joueurs à un schéma de jeu immuable ! C’est une impossibilité pratique avec des joueurs techniquement très moyens et tactiquement très faibles.

Cela étant, il n’est pas question de brûler en place publique un entraîneur talentueux ayant signé un contrat de deux ans avec l’OM. À l’heure où le LOSC engage Franck Passi pour une mission commando en attendant Marcelo Bielsa, l’OM a la chance de disposer sur son banc d’un professionnel chevronné ayant déjà quelques exploits à son actif (doublé coupe-championnat avec le LOSC, record de points en championnat avec la Roma…).

Pour autant, certaines erreurs récurrentes et inattendues à ce niveau pèsent dangereusement sur les résultats et la dynamique de l’équipe, et tandis que les fondations sont longues à se mettre en place, certaines lacunes évidentes finissent par rattraper Rudi Garcia.

Vivement la suite !

Indépendamment des opportunités restreintes du marché des transferts au moment de la trêve des confiseurs et d’une conception de jeu pleinement assumée, cette succession de péripéties ressemble quand même à une sacrée erreur de gestion. Une erreur collective qui plus est.

Du reste, si l’héritage du passé pèse encore et que d’excellentes décisions ont été prises pour s’en défaire (comme celle concernant le cas de Lassana Diarra), le projet qui se dessine peu à peu manque d’allant voire peut-être d’ambition ou pire, de clarté.

Aujourd’hui comme demain, les supporteurs seront derrière le club. Par conséquent, la patience doit désormais s’imposer. Au moins jusqu’à la saison prochaine, car Rudi Garcia disposera alors du groupe de son choix.

D’ici là, l’OM et son entraîneur devront se remettre en question afin d’éviter de nouvelles humiliations et permettre au club d’accéder à l’Europa League. Une compétition aussi déterminante pour attirer de bons joueurs lors du prochain mercato estival que pour assurer l’adhésion du public au projet.

Enfin, soulignons que l’argument financier ayant mis Paris sur orbite depuis son rachat par Qatar Sports Investments pourrait servir de circonstance atténuante, mais il ne justifie en rien l’indécence de l’apathie marseillaise. Quoiqu’il arrive, cette rencontre restera donc comme une tache indélébile dans l’histoire du club phocéen.

Pour une première au Vélodrome entre l’OM et le PSG, Frank McCourt a été servi. Reste à espérer qu’il en tirera les conséquences pour son « OM Champions Project »…

Allez l’OM !

 

Écrit par El Khadra

@El_Khadra

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2 Réponses pour I… comme Icare

  1. Bsartek El Khadra ! Un super article. J’espère le début d’une longue collaboration.

  2. Excellent article pour une première participation, merci. 😉