À l’OM, « Droit au but » n’est pas qu’une devise ! (partie 1)

De tous temps l’Olympique de Marseille a compté dans ses rangs de grands, voire de très grands avant-centres. Des buteurs capables de débloquer une situation, de gagner un match et d’enflammer le Stade Vélodrome. Malheureusement nous avons été privé ces dernières saisons de cette perle rare. Avec l’arrivée du Polonais Arkadiusz Milik (combien de temps va-t-il rester ?) nous espérons enfin retrouver un grand buteur digne des ses illustres devanciers. Découvrez ou re-découvrez six des attaquants les plus marquants de notre histoire.

L’embarras du choix 

J’en ai choisi six, mais j’aurais pu en évoquer beaucoup plus. Certains regretterons que je ne parle pas ici d’Aznar, de G. Dard, de Joseph, de Berdoll, de Sarr Boubacar, de Marc Pascal, de Völler, de Boksic, de Sonny Anderson, de Cascarino, de Ravanelli, de Cissé, de Niang, de Pagis, de Gomis et de bien d’autres. Mais on le sait, choisir c’est éliminer et j’ai retenu ceux que je pensais être les plus emblématiques.

Parmi ceux-là trois sont incontournables (G. Andersson, J. Skoblar et J.P. Papin) car ils sont les plus grands buteurs de l’histoire de notre club. Si j’ai retenu les trois suivants (M. Zatelli, D. Drogba et A.P. Gignac) plutôt que ceux que je citais plus haut, c’est que de mon point de vue, en plus d’être ou d’avoir été de très grands avant-centres, ils ont une image symbolique très forte auprès de l’OM et de ses supporteurs.

Ainsi, grâce à eux, nous allons traverser huit décennies. D’abord avec Mario Zatelli qui s’est illustré à Marseille dans les années 30 et 40, puis Gunnar Andersson dans les années 50, Josip Skoblar dans les années 60 et 70, Jean-Pierre Papin dans les années 80 et 90, Didier Drogba dans les années 2000 et enfin André-Pierre Gignac dans les années 2010. Le compte est bon !

Ce retour dans le passé va se dérouler en deux parties et aujourd’hui, dans ce premier épisode, ce sont Mario Zatelli, Gunnar Andersson et Josip Skoblar que nous allons évoquer. Prêts pour voyager dans le temps ? Alors c’est parti !


Le beau Mario

Mario Zatelli est né le 21/12/1912 à Sétif (Algérie) de parents italiens, et a grandi à Casablanca au Maroc. Passionné de sport, le jeune Mario fait d’abord de la natation et du Water-polo, avant de se diriger vers le football. Il intègre U.S. Marocaine Casablanca ou il s’impose très jeune à la pointe de l’attaque, aux côtés d’un certain Larbi Ben Barek.

Avec son club, il sera champion du Maroc de 1932 à 1935 et champion d’Afrique du Nord de 1932 à 1934. Il est bien sûr repéré par les recruteurs de tous bords, et débarque à Marseille en 1935, ou les débuts sont difficiles. En effet son adaptation au football de la métropole ne se fait pas sans mal. Néanmoins il s’accroche et finit par s’imposer. Les témoignages de l’époque le dépeignent comme un avant-centre très spectaculaire, auteur notamment de reprises de volées foudroyantes.

Très élégant sur le terrain il l’est également à la ville, ce qui lui vaut d’être surnommé : le beau Mario. Il sera transféré en 1938 au Racing Club de Paris pour la somme de 380.000 francs, nouveau record des transferts à l’époque. L’année d’après, en 1939, la deuxième guerre mondiale éclate et interrompt sa carrière comme celle de bien d’autres. De retour à l’OM en 1943, il y restera jusqu’en 1948.

Au final, Mario Zatelli a marqué 90 buts sous le maillot marseillais avec notamment, un titre de deuxième meilleur buteur du Championnat en 1937 avec 25 buts. Il a remporté la Coupe de France en 1938, et le Championnat en 1937 et 1948. Au terme de cette dernière saison victorieuse, il mettra fin à sa carrière de footballeur à l’âge de 36 ans.

Mais l’histoire d’amour de Mario avec l’OM est loin d’être terminée, puisqu’il va réellement écrire sa légende en étant l’entraîneur fétiche des années « Leclerc ». Ainsi, arrivé aux commandes en 1964, il fera remonter le club en D1 en 1966, puis il va gagner la Coupe de France en 1969 et 1972 et le titre de Champion de France en 1972, avec le duo vedette Magnusson-Skoblar. Il fut même désigné meilleur entraîneur français en 1970. Ses rapports avec l’ imprévisible Marcel Leclerc furent parfois orageux, mais il restera fidèle à l’OM jusqu’en 1973.

Il m’est arrivé de le croiser après certains matches de cette époque bénie, dans une pizzeria bien connue des Marseillais près de la Gare de l’Est ou il avait ses habitudes. Il était toujours souriant, affable et plein d’humilité. Il s’est finalement retiré dans sa villa de Sainte Maxime ou il a vécu une retraite paisible et méritée. Il y finira ses jours dans son sommeil, le 07 janvier 2004 à l’âge de 91 ans.

L’anecdote : Mario Zatelli a été recruté à l’OM par Mr Charles Elkabbach qui était alors vice-président et recruteur du club pour la zone Afrique du Nord. Celui-ci, en plus de Zatelli, attira à l’OM Ben Barek, Aznar ou Bastien par exemple. Il est aussi et surtout le père du journaliste politique bien connu, un certain Jean-Pierre Elkabbach.

Andersson, le roi sans couronne

Gunnar Andersson voit le jour le 14/08/1928 à Arvika (Suède) ou il passe sa jeunesse et tape dans ses premiers ballons. À 19 ans il signe au IFK Göteborg ou il est remarqué par les danois de Copenhague. Il est totalement inconnu du public français quand il rejoint le club phocéen en 1950, il a alors 22 ans.

À son arrivée on ne peut pas dire que son allure générale impressionne. Une carrure modeste, les genoux cagneux et une démarche de canard due à des pieds plats ! D’ailleurs, les supporteurs marseillais toujours prompts à la dérision, le surnomment d’emblée « 10 heures 10 ». Il allait rapidement mettre les rieurs de son côté.

Doté d’une adresse diabolique, il enchaîne contrôle, crochet court, tir instantané avec une vitesse d’exécution et une précision peu communes, et plante but sur but. Il en marquera en tout 194  en 220 matches et sera sacré meilleur buteur du Championnat en 1952 et 1953.

Sur ses six premières saisons au club, il aura cette moyenne impressionnante de 25 buts par exercice ! Il reste à ce jour le meilleur buteur de l’histoire de l’Olympique de Marseille. Malheureusement pour lui et pour nous, l’OM des années 50 ne brille pas par ses résultats, et ce roi des buteurs restera sans couronne. En effet, le club avec cet attaquant hors du commun, ne pourra faire mieux qu’une cinquième place en Championnat en 55/56 et une finale de Coupe de France (perdue contre Nice) en 1954.

Ce sera encore pire sans lui. Gunnar Andersson quitte l’OM en juin 1958, et moins d’un an plus tard, à la fin de la saison 58/59, le club est relégué en D2 après une humiliante vingtième place. Parti à Montpellier puis à Bordeaux ou il marque encore quelques buts, Andersson finira sa carrière à l’A.S. Aixoise.

Il a quand même passé huit ans à l’OM, et on peut dire qu’il s’est très bien, (trop bien) acclimaté à la ville. D’une grande gentillesse, du temps de sa splendeur il est accueilli partout en héros. Il fini par parler français avec un accent marseillais à couper au couteau, mais hélas il apprécie aussi beaucoup une boisson anisée que je ne nommerai pas, fabriquée à Marseille et qui fera son malheur.

Après sa carrière il est complètement démuni, et malgré plusieurs cures de désintoxication, ce problème d’alcool le suivra jusqu’à la fin. La fin justement, elle va intervenir le 01/10/1969. Ce soir là, pour sa première vraie campagne européenne, l’Olympique de Marseille emmené par son compatriote Roger Magnusson va éliminer le Dukla de Prague.

Gunnar lui, a réussi à se procurer une place pour le match, et c’est en s’y rendant qu’il va faire un malaise rue Breteuil. Il décédera quelques heures plus tard à l’Hôpital de Sainte Marguerite à seulement 41 ans. Triste fin pour celui qui restera encore pour longtemps le meilleur buteur de l’histoire de notre club.

L’anecdote : L’arrivée de Gunnar Andersson à Marseille a été précédée d’un (faux) « kidnapping ». En effet, suite à un stratagème, deux journalistes du « Provençal » on intercepté le joueur en gare d’Avignon. Le journal était alors en bisbille avec Louis-Bernard Dancausse le président du club, et nos deux « kidnappeurs » n’étaient pas mécontents de lui griller la politesse. De fait, ils eurent la primeur des premières impressions de la nouvelle recrue, et provoquèrent la fureur présidentielle.

Josip Skoblar, l’aigle dalmate

Josip Skoblar est croate, mais quand il naît le 11/03/1941 à Privlaka, la Croatie fait alors partie de la Fédération Yougoslave. Après des débuts à 17 ans au NK Zadar, il file au OFK Belgrade en 1959, club dans lequel il restera sept ans et marquera au passage près de 80 buts. Sélectionné régulièrement en sélection yougoslave, il est remarqué par le club allemand d’Hanovre, où il signe en 1966.

Après une demi-saison en Allemagne, il est prêté à l’Olympique de Marseille. Là, il vit une première aventure marseillaise qui durera six mois. Durant cette période, il va disputer 18 matches, et marquer… 17 buts. Hélas son prêt prenait fin, et il a dû, bien à regret, retourner à Hanovre et aller au bout de son contrat. Ce qu’il fit de belle manière en marquant 37 buts en deux saisons.

Quand il revient à Marseille à l’orée de la saison 69/70, les choses ont bien changé, et dans le bon sens. Le club est le tout récent vainqueur de la Coupe de France, et surtout, il a recruté entre temps un magicien suédois du nom de Roger Magnusson.

Les intentions du président Leclerc sont limpides, il veut détrôner Saint-Etienne qui règne sur le Championnat depuis plusieurs saisons. Skoblar quant à lui va s’imposer immédiatement, comme le meilleur attaquant de D1, et remporter le titre de meilleur buteur trois saisons consécutives. Alain Pécheral écrit dans son ouvrage « La grande histoire de l’OM » (une véritable bible) la phrase suivante : « Il y a deux catégories de spectateurs : ceux qui ont vu jouer Skoblar et les autres… qui ne pourront jamais le regretter assez ».

J’ai la chance (et l’âge hélas) de faire partie de la première catégorie. Beaucoup l’ont comparé à un aigle au regard acéré, d’autres à un félin qui jaillit pour dévorer sa proie. Josip c’était tout ça, et il avait tout. La détente, le jeu de tête, il frappait des deux pieds. Parfois renard des surfaces, c’est pourtant des vingt mètres qu’il était le plus redoutable, avec des extérieurs du pied qui faisaient mouche presque à chaque fois.

J’ai la faiblesse de penser qu’il a été (avec Jean-Pierre Papin) le plus grand avant-centre que l’OM ait connu. Côté statistiques, c’est vertigineux ! 100 buts pour ses 100 premiers matches (158 au total sous le maillot blanc), et une saison 70/71 époustouflante ou, bien aidé par son complice suédois, il marque la bagatelle de 44 buts (record toujours à battre)! Enfin, il est le premier et seul joueur évoluant dans le Championnat de France à remporter le prestigieux Soulier d’Or Européen.

Avec l’OM, il va remporter deux Championnats (71 et 72) et la Coupe de France en 1972. Cette équipe était exceptionnelle et elle eut la malchance en Coupe d’Europe, de tomber trop tôt sur le grand Ajax d’Amsterdam qui était à coup sûr à l’époque, la meilleure équipe du monde. L’OM fut néanmoins en 71/72, la seule formation à marquer deux buts à cette machine.

Mais l’OM reste l’OM et après le départ de Marcel Leclerc à l’été 72, les entraîneurs et les présidents se sont succédés jusqu’à l’arrivée à la tête du club de Fernand Méric en 1974. Cet exploitant de complexes cinématographiques avait la folie des grandeurs, et il fit venir à grand frais les deux champions du monde brésiliens (Paulo Cezar et Jairzinho).

Seuls deux joueurs étrangers étant autorisés en D1, c’est Skoblar qui fit les frais de l’opération. Il quitta donc le club fin 1974 pour rejoindre sa Croatie natale et finir sa carrière de joueur à Rijeka en 1977, à l’âge de 36 ans.

Le grand Josip est revenu néanmoins à l’OM en 1977 en qualité de Directeur Sportif. mais après une belle saison 77/78, en désaccord avec le club, il partira de nouveau… pour revenir en 1999 et occuper durant de nombreuses années le poste de superviseur/recruteur pour la zone Europe de l’Est.

L’anecdote : Josip Skoblar avait un caractère bien trempé. En résumé, il ne fallait le chauffer trop longtemps. Ainsi un soir d’avril 1973, l’OM jouait à Lyon et un certain Raymond Domenech, défenseur de son état, multipliait comme à son habitude, les coups et les provocations. Soudain, pétage de plombs de Skoblar, qui envoie une droite mémorable au lyonnais et l’envoie au tapis pour le compte. N’attendant même pas la décision de l’arbitre, il rentre au vestiaire sans un mot ni un regard pour sa « victime » l’arcade en sang.


Dans le deuxième épisode que nous publierons bientôt, nous poursuivrons notre voyage spatio-temporel et (re) découvrirons les carrières de Jean-Pierre Papin, Didier Drogba et André-Pierre Gignac.

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A propos de JLMOM265


Né à Marseille le 30/11/1956. Jeune retraité après une carrière bien remplie dans le transport routier de marchandises (Direction d'agences et de services d'exploitation). Marié depuis 40 ans, Je vis depuis de nombreuses années en région grenobloise, et je suis l'heureux père de deux grands enfants, et grand-père d'un petit diable. Supporteur acharné de l'OM depuis près de 55 ans, je dors, mange et bois OM. Je sais c'est pas normal à mon âge, mais on ne me changera plus, c'est trop tard !
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2 Réponses pour À l’OM, « Droit au but » n’est pas qu’une devise ! (partie 1)

  1. Émouvante rétrospective.
    L’histoire de Gunnar Anderson est poignante et sa vie pourrait faire l’objet d’un film tant elle fut riche et contrastée. Une fin sordide pour celui qui avait tutoyé le ciel, grandeur et décadence !
    Je n’ai connu, comme la grande majorité d’entre-nous, que la période d’entraineur de Mario Zatelli.
    Un homme dont la simplicité reflétait une infinie classe.
    Quand à l’aigle de Zadar, il reste et restera à jamais mon idole. Une élégance technique alliée à une efficacité incomparable. On a coutume de dire que Magnusson et Loubet le faisait brillait par les « caviars » qu’ils distillaient à ce bon Josip. J’ajouterai que la réciproque était valable, le meilleur centreur du monde ne peut rien pour son équipe si l’avant-centre a les pieds carrés. Avec Skoblar, Les deux remarquables ailiers de l’époque n’étaient pas tombés sur ingrat.

  2. Un super article qui nous replonge dans la grande Histoire de ce club. Vivement la suite !