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Didier Drogba : « C’est au Mans que tout démarre »
        
Star internationale du football, c’est au Mans que Didier Drogba a débuté sa carrière professionnelle entre 1999 et 2002. Il sera du Match des légendes, le samedi 11 octobre.
Entretien
Didier Drogba, ancien footballeur international qui a débuté au Mans.
Le Match des légendes, organisé par Le Mans FC, samedi 11 octobre, verra s’opposer d’ anciens joueurs du Mans FC à d’anciens internationaux ou des célébrités (comédiens, influenceurs). Parmi les joueurs les plus attendus,
Didier Drogba. Vainqueur de la Ligue des champions avec Chelsea, c’est sous le maillot du Muc 72 que l’Ivoirien avait lancé sa carrière professionnelle en France.
Avant ce rendez-vous, l’ancien attaquant s’est livré au jeu de l’interview depuis la Côte d’Ivoire. Il a également répondu aux questions d’Alain Pascalou, qui l’avait recruté pour Le Mans alors qu’il évoluait à Levallois (Hauts-de-Seine).
Participer à ce Match des légendes pour les 40 ans du Mans FC, c’était une évidence ?
Impossible d’hésiter (du tac au tac). Ce serait comme me demander d’effacer de mon CV trois ans et demi, quatre ans de carrière. Et au-delà de la carrière, c’est la construction d’un homme. J’y ai vécu les plus beaux moments de ma vie : c’est là que tout démarre. C’est le club qui me donne la chance de pouvoir jouer au niveau professionnel. C’est aussi la ville où naît mon fils, mon premier enfant. Ce sont des moments marquants. Le Mans a été essentiel.
Alain Pascalou : Je me souviens d’une réflexion entendue à la radio, disant que Didier Drogba avait perdu son temps au Mans…
C’est facile de dire que j’ai perdu mon temps pour des gens qui n’ont pas été là au quotidien, qui n’ont pas subi, contrairement aux coaches, aux formateurs, mes états d’âme, mes envies, mes pleurs, mes joies. Mes ex-coéquipiers de l’époque savent que ce n’était pas du temps perdu. Au contraire, ça m’a donné une base sur laquelle je me suis appuyé toute ma carrière.
À votre arrivée dans le vestiaire manceau, vous avez 19 ans, vous découvrez le monde pro. Qui vous sert de repère parmi vos partenaires ?
Il y avait notamment David Camara et Dagui Bakari, deux joueurs de la région parisienne. Marc Westerloppe (l’entraîneur du Mans) m’explique ce qu’il attend de moi et prend l’exemple de Dagui, qui avait un gabarit proche du mien. Il raconte son parcours : « Il était à Noisy-le-Sec ; nous, on prend des joueurs, on les forme. La D2, c’est une vitrine pour s’exprimer. » Une semaine avant, j’avais une offre du PSG. Son discours, ciblé, m’a parlé : « Regarde, ce joueur-là vient de la même région que toi, amateur comme toi ; voilà ce qu’on en a fait. » En voyant le « produit départ » et le « produit fini », je me dis : « J’ai une chance de devenir pro. » J’ai préféré venir ici plutôt que d’être un joueur parmi d’autres dans un grand club.
Vous parlez des valeurs que vous ont transmises Alain Pascalou, Marc Westerloppe et Yves Bertucci. Quelles sont-elles ?
J’étais jeune, je venais de la région parisienne et, avec le recul, je pense que je suis arrivé plein d’espoir mais aussi peut-être avec de la suffisance : je découvrais le monde professionnel. Quand tu n’es pas encore au niveau, tu prétends, tu simules : je n’étais pas pro – j’étais amateur, je jouais à Levallois – mais je me prenais pour un pro. Sauf que je n’avais pas l’alimentation qui allait avec, ni les codes ni les modes de vie. Alain me répétait sans cesse : « T’es sûr que tu veux devenir professionnel, toi ? » Moi, dans ma tête, je me disais : « Mais oui ! Qu’est-ce qu’il me raconte ? » En fait, je n’avais pas compris le sens et le fond de sa question. Je me braquais et je me disais : « Il ne m’aime pas, il préfère toujours les mêmes. »
Alain Pascalou : Un jour, en allant courir dans les bois, je t’ai dit : « Écoute Didier, tu as deux solutions : soit tu portes plainte contre tes parents qui t’ont fait chétif, soit tu changes ton mode de vie, parce que tes blessures ne sont pas dues au hasard. » Tu t’en souviens ?
Oh oui ! Ce moment-là a été le tournant de ma carrière parce que – tu sais – je suis, et je m’en suis rendu compte plus tard, quelqu’un qui aime les défis, qui aime le challenge et qui se nourrit de ça. Et quand tu m’as dit ça, non seulement tu savais que ça allait me piquer, mais ça a provoqué une autre réaction en moi que, sur le moment, je ne pouvais pas expliquer. Je me suis dit : « D’accord. Il pense que je n’y arriverai pas. Il pense qu’il doit y avoir un lien du côté de l’ADN de mes parents. Je vais lui montrer. » Oui mais comment ? Il faut le faire sérieusement. J’ai alors été beaucoup plus à l’écoute des anciens. Après cet échange avec Alain, j’ai appelé Pape Diouf (qui a été agent, président de l’OM notamment). Et on est restés trois heures au téléphone. Les trois premières minutes, c’était : « Oui, Pape, je ne comprends pas… Alain et tout… le club… je m’en fous… de toute façon je veux partir, et puis ceci, et puis cela… » Et il me dit : « Fils… » Et là, il a réussi à me faire changer d’état d’esprit. « Didier, si par exemple, tu as l’habitude de venir avec des chaussures blanches, demain, viens avec des chaussures bleues. Si tu as l’habitude d’arriver à 9 h, demain arrive à 8 h 30. Change. Change, parce que le coach ne changera pas. Lui, on en a vu passer avant toi. Ce n’est pas lui qui va changer : c’est toi qui dois t’adapter. » J’avais compris.
Didier Drogba a découvert le monde pro au Mans, avant d’évoluer à Guingamp, Marseille ou Chelsea. Archives Ouest-France
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