Le sort a proposé jeudi un adversaire XXL à Rafael Nadal, privé pour la première fois du statut de tête de série à Roland-Garros. C'est le numéro 4 mondial Alexander Zverev, tout juste titré à Rome, qui se dressera face à lui au premier tour. Mission impossible ?
« Le plus grand défi qu'on puisse avoir à relever dans notre sport, c'est de jouer Nadal sur le Chatrier. J'adorerais l'y affronter une fois encore, pour chasser de mes souvenirs la conclusion d'il y a deux ans. » C'était il y a quinze jours, en amont du Masters 1 000 de Rome, qu'il allait remporter. Alexander Zverev a été exaucé au-delà du raisonnable, jeudi, lors du tirage au sort du tableau de ce Roland-Garros 2024.
Puisque Rafael Nadal a dégringolé au classement et qu'aucun passe-droit n'a été créé pour lui cette année, c'est dès le premier tour qu'auront lieu les retrouvailles. Quand Zverev parle de changer la fin du film, il fait référence à la demi-finale de 2022, un combat dantesque parti pour durer sept heures, qu'il quitta finalement sur une chaise roulante à cause d'une grave blessure à la cheville intervenue à 7-6, 6-6 contre lui. « À la fois l'un des meilleurs matches que j'aie jamais joué dans ma carrière et la pire fin de toutes ».
Le contexte est totalement différent en 2024. Nadal tire ses dernières cartouches et le barillet, qu'il huile avec une détermination qui force le respect depuis son arrivée à Paris, lundi, semble encore suffisamment rouillé pour que l'imaginer gagner un duel pareil, face à un joueur qui savait déjà le battre sur terre battue du temps de sa splendeur, relève de l'aveuglement amoureux.
Thierry Tulasne, coach d'Harold Mayot, n'arrive pas à y croire : « Nadal va peut-être se sublimer, il a beaucoup d'orgueil, il va vouloir montrer qu'il est là. Mais il n'a pas montré encore assez de belles choses (récemment) et je pense que Zverev va gagner. Il a confiance, il a le jeu pour battre un Nadal qui joue plus court. Les balles hautes ne le gênent pas tant que ça et Nadal bouge beaucoup moins bien. Quand il est en "déséquilibre", il est moins bon. Il veut faire le jeu et ça ne sera pas possible, surtout sur les jeux de service de Zverev. »
« Mais c'est le sport, tout est possible. Et c'est Rafa, tout est possible, soupire Amélie Mauresmo, directrice du tournoi. "Sacha" est en très grande forme, donc ce sera évidemment très compliqué mais Nadal est un guerrier, un compétiteur hors norme. Il sait qu'au meilleur des cinq manches, il connaît la musique mieux que personne, donc on va voir. » « C'est sans aucun doute le pire tirage pour Rafa », résume Fabrice Santoro, en référence au fait que Zverev arrive lancé et que, compte tenu des incertitudes planant sur les autres acteurs principaux (le bras d'Alcaraz, la hanche de Sinner, la motivation de Djokovic...), il est peut-être celui qui débarque à Paris avec dans ses bagages le plus de gages de solidité.
« Nadal a une chance pour gagner s'il a la caisse pour cinq sets. Sinon, non, assure Jean-Paul Loth. S'il s'aligne dans ce Roland, c'est qu'il a la sensation qu'il l'a. Je reste sceptique, mais si c'est vraiment le cas, ça peut faire un match très long qu'il peut parfaitement remporter. Mon pronostic, c'est quand même Zverev, mais je n'exclus pas que le vieux puisse gagner. Je m'attends à ce qu'il fasse un petit ramdam. »
L'Allemand sait que beaucoup de choses se passeront aussi entre ses deux oreilles qui, elles-mêmes, devront rester assez imperméables aux sons qui monteront de gradins extatiques. À Rome, il y a deux semaines, il rappelait combien Nadal et « Nadal sur le Chatrier » sont deux joueurs différents : « Sur ce court, il n'est pas le même. Sa balle devient tout d'un coup plus rapide de quelques kilomètres à l'heure ; son jeu de jambes et la vitesse de ses pieds deviennent beaucoup plus rapides. Il est plus difficile de frapper un coup gagnant sur ce court massif où il a beaucoup plus d'espace. En fait, on a l'impression qu'on ne peut pas s'en débarrasser. Je pense que le premier set que j'ai joué contre lui dans la demi-finale de 2022 le décrit parfaitement. J'aurais gagné ce set je ne sais combien de fois contre n'importe quel autre joueur, et là j'ai quand même réussi à le perdre. Contre lui, sur ce court-là, vous pouvez avoir l'impression d'être en train de gagner, mais vous finissez par ne pas gagner. »
Jo-Wilfried Tsonga a connu la joie d'un dernier match réussi, contre un joueur de prestige à Roland-Garros 2022, Casper Ruud (6-7, 7-6, 6-2, 7-6), d'où sa façon de voir la chose : « Personne ne jugera Rafa s'il devait perdre en trois sets contre Alexander Zverev. Finir sa carrière à Roland sur une grosse confrontation, c'est peut-être ce qu'il y a de mieux. Pour Sacha, c'est aussi l'opportunité de faire partie de l'histoire de Nadal. C'est vrai qu'aujourd'hui j'ai du mal à voir Rafa gagner, mais j'aimerais qu'il me fasse mentir, qu'il y ait un gros match qui s'engage et qu'il continue à faire perdurer la légende. »
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