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Les Républicains en pleine crise existentielle
Cinq mois après la défaite de Valérie Pécresse à l’élection présidentielle, rien n’est réglé chez LR. La ligne politique demeure floue et l’absence de chef incontesté pénalise le parti.
En apparence, elle a réussi à sauver les meubles. Après avoir semblé en danger de mort à la suite de l’échec cuisant de Valérie Pécresse à la présidentielle (4,78 %), la droite est parvenue à faire élire soixante-deux députés à l’issue des élections législatives. Moins qu’en 2017, certes, mais de quoi disposer d’un groupe influent à l’Assemblée nationale, avec lequel les macronistes se doivent de composer pour le vote des textes. Le parti Les Républicains (LR), qui dispose de la majorité au Sénat, avec les centristes, peut également se targuer de compter de nombreux élus locaux.
Mais au-delà de ces quelques atouts, au niveau national, le tableau se révèle bien plus sombre concernant l’organisation du parti, qui effectue sa rentrée lors de l’université des jeunes LR à Angers, samedi 3 et dimanche 4 septembre. Leadership, ligne, projet… Cinq mois après la défaite à la présidentielle, rien n’est réglé à LR, qui traverse une crise existentielle. Les problèmes de fond demeurent dans une formation en convalescence, qui n’a pas de chef de file incontesté depuis le départ de Nicolas Sarkozy de l’Elysée… il y a dix ans.
Un point faible d’autant plus criant dans la nouvelle tripartition de la vie politique française, où les principales forces disposent chacune d’un leader fort, capable de fédérer ses troupes, et bien identifié dans l’opinion : Emmanuel Macron pour Renaissance, Marine Le Pen pour le Rassemblement national (RN) et Jean-Luc Mélenchon pour la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). De son côté, le parti de droite ressemble à un canard sans tête.
« La marque est périmée »
Depuis que les vieilles gloires, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Fillon ont pris leur retraite politique, et que d’autres dirigeants comme Valérie Pécresse ou François Baroin ont pris du champ, les ténors capables de reprendre le flambeau sont moins nombreux. Ceux qui demeurent se préparent pour concourir à la présidentielle de 2027, en dehors des jeux d’appareil, comme les présidents des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France, Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand.
D’autres se positionnent déjà pour prendre la tête du parti, à l’instar du député des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, premier candidat déclaré pour l’élection à la présidence de LR, qui aura lieu les 3 et 4 décembre, afin de succéder à Christian Jacob. Avec la date butoir du 3 octobre pour déposer les parrainages.
Lors de cette compétition interne, M. Ciotti sera opposé au député du Lot, Aurélien Pradié, et au président des sénateurs LR, Bruno Retailleau, dans une sorte de match à trois.L’ex-lieutenant de François Fillon a officialisé sa candidature pour la présidence de LR, vendredi 2 septembre, dans un entretien au Figaro, en se posant comme le mieux à même de « rassembler » face à MM. Ciotti et Pradié. « Cette élection ne doit pas se transformer en un face-à-face entre deux camps qui joueraient la surenchère », avertit M. Retailleau. Lequel participera à la rentrée des jeunes LR, à Angers. Un rendez-vous où tous les candidats déclarés ou potentiels seront présents, ainsi que d’autres dirigeants.
Dans cette période de transition, difficile, dès lors, d’être audible et d’apparaître comme une force d’alternance crédible. Aux yeux des Français, LR n’est plus que la troisième formation qui incarne le mieux l’opposition à Emmanuel Macron (12 %), loin derrière le RN (38 %) et La France insoumise (33 %), selon un sondage IFOP-Fiducial, diffusé le 13 juillet.
La faute à un manque d’incarnation à la tête du parti donc, mais aussi à un manque de clarté dans son positionnement. Quel est le projet de LR ? Pourquoi des électeurs voteraient-ils pour ce parti ? En dehors de la réduction des déficits publics, qui reste une thématique où elle garde une forme de monopole, la droite est concurrencée par ses adversaires sur plusieurs de ses « fondamentaux » : sur le libéralisme économique par le camp Macron ; sur la sécurité et l’immigration par le camp Le Pen, notamment. Cette double concurrence laisse moins d’espace à l’ex-UMP, qui se fait dépouiller de ses électeurs des deux côtés. Et l’oblige à redéfinir son identité politique. « La marque est périmée et doit être changée car elle ne parle plus. Il y a un travail de fond à mener pour voir ce que l’on veut incarner à l’avenir, afin d’attirer à nouveau le regard », juge le député LR de l’Aisne, Julien Dive.
Avec des stratégies qui s’opposent en interne. D’un côté, MM. Ciotti et Wauquiez veulent incarner une droite dure et appuyer sur des sujets traditionnels du parti (sécurité, immigration, travail), en cherchant à séduire les électeurs tentés par le parti lepéniste. Quitte à jouer un jeu dangereux avec l’extrême droite. De l’autre, sur une ligne plus sociale, M. Pradié et ses soutiens veulent, eux, aborder de nouvelles thématiques, comme l’écologie, l’éducation, avec l’objectif de reconquérir les électeurs passés dans le camp Macron.
Préciser son positionnement
Dans ce flou idéologique, la droite doit également préciser son positionnement par rapport à la majorité, avec lequel elle négocie le contenu des textes de loi à l’Assemblée, en échange de son soutien ; et sa stratégie vis-à-vis du RN. Faut-il être une opposition constructive, en jouant le rapprochement avec le camp présidentiel, comme le préconise par exemple le maire d’Orléans, Serge Grouard, lui aussi candidat à la tête de LR, qui plaide pour un « accord de gouvernement » avec les macronistes ? Ou être sur une ligne d’opposition radicale ? « On ne sait plus où se situe LR entre la droite Macron, la droite RN ou la droite canal historique », résume Frédéric Dabi, directeur général opinion de l’IFOP.
Au risque de ne plus apparaître comme une vraie opposition ? « C’est vrai que c’est une ligne de crête qui est compliquée », a notamment reconnu la présidente par intérim des LR, Annie Genevard, fin juillet, après le vote du paquet pouvoir d’achat du gouvernement, avec le soutien de ses députés. « On est un peu en instabilité sur la branche, observe le député LR de la Manche, Philippe Gosselin. Aujourd’hui, on est écartelés entre la perspective d’être l’allié de la majorité ou une force d’appoint d’une recomposition des droites. » Comme d’autres, il juge nécessaire de « clarifier le logiciel » du parti, afin de ne pas devenir un simple satellite du macronisme ou du RN. « C’est crucial car cela détermine notre existence sur le long terme », souligne-t-il. Avec, à la clé, des débats intenses en interne sur le cap à suivre. Dans les semaines à venir, la position des députés LR lors du vote du budget sera un moment de vérité pour le parti.
En dehors des enjeux partisans, la présidentielle de 2027 aiguise déjà les ambitions. Si le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a déjà les yeux rivés vers cette échéance, en appelant la droite à « se préparer dès maintenant » pour incarner « l’après-Macron », celui des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, n’a pas renoncé non plus à ses ambitions nationales. En attendant, peut-être, un retour de Valérie Pécresse qui a dit, après sa défaite au scrutin élyséen, vouloir se mettre « au service de la droite » pour les prochaines années.
Avec une autre difficulté : le futur candidat LR devra compter sur la concurrence, en externe, de plusieurs personnalités de droite ralliées à Emmanuel Macron, à l’instar d’Edouard Philippe, de Bruno Le Maire ou de Gérald Darmanin, qui lorgnent eux aussi sur l’Elysée. Encore des forces d’attraction susceptibles de rallier à eux des voix des électeurs de droite. Et ainsi rendre l’avenir un peu plus compliqué pour le parti, qui a structuré la vie politique pendant plusieurs décennies.
Le Monde