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OM : Roberto De Zerbi, le grand gagnant de l’enchaînement Real Madrid-Paris SG
Le technicien olympien sort grandi de la séquence Real Madrid-PSG. Malgré un effectif chamboulé par la fin du mercato, De Zerbi, contraint de travailler dans l’urgence, a fait des choix forts et payants. Il a emmené sa troupe derrière lui.
Les tatillons diront qu’il a fait mieux qu’eux. Élie Baup, Marcelo Bielsa, Michel, Rudi Garcia, André Villas-Boas, Jorge Sampaoli, Igor Tudor et Jean-Louis Gasset… Mettre le PSG à genoux, en Ligue 1, sur la pelouse du Vel'. Les supporters marseillais attendaient ça depuis novembre 2011, depuis le grand Didier Deschamps. Enfin, un Clasico signé Roberto… mais pas forcément De Zerbi.
Avant de savourer l’une de ses plus belles émotions à l’OM, de renfiler son survêt d’ultra au pied des virages, et de se faire exclure par Jérôme Brisard (il a écopé d’un match de suspension + 1 avec sursis), l’homme en noir (et aux souliers blancs) a dû, un peu, se réinventer. Bousculer ses certitudes, sans renier sa philosophie. Concocter un nouveau plan de bataille, dans des conditions dantesques (sortie de crise, effectif chamboulé, timing serré). Seul moyen d’entrevoir la lumière au bout d’un lugubre tunnel. Le Real et le PSG auraient pu écorner son aventure marseillaise. Il en est ressorti grandi. Décryptage.
Des problèmes à régler
Fin août au Groupama Stadium, le Lombard, mâchoire serrée, décortique péniblement le deuxième revers en trois journées de ses protégés. Malgré des faits de jeu contraires, ici l’exclusion précoce de "CJ" Egan-Riley, l’OM tourne en rond et au ralenti, incapable de mettre en danger le pire Lyon du XXIe siècle. Pis, non content d’être stérile, son équipe souffre d’une inquiétante fragilité. Rennes et Lyon ont allègrement profité de ces largesses. Idem pour le promu parisien (PFC), dangereux dès qu’il franchissait la ligne médiane. De quoi craindre pire face aux armadas madrilène et du champion d’Europe.
"À mes yeux, ce n’est pas un entraîneur à stratégie défensive. On connaît tous la patte De Zerbi : aspirer, casser la première ligne de pressing et se projeter. Le problème, c’était le manque d’intensité, de changement de rythme, le temps pris depuis la base arrière avant d’enclencher, estime Hakim Malek, l’ancien entraîneur de Martigues, en Ligue 2. J’étais curieux de voir comme il allait se réadapter. Depuis quelque temps, ce qu’il proposait était un peu compliqué par rapport au public marseillais, qui a une autre sensibilité, et aux adversaires, qui avaient cerné sa tactique."
Les petites nouveautés
Contrairement à cette bonne vieille Ligue 1, où l’OM se présente 99% du temps dans la peau du favori, le rapport de force ne penchait clairement pas en sa faveur, avant Madrid et Paris. Leur dérober le ballon serait un petit exploit, en soi. Ne pas concéder d’occasions, idem. Sciemment, Roberto De Zerbi a donc choisi de reculer et compacter son bloc, pour priver Kylian Mbappé, et les autres, de cette fameuse profondeur. L’un de ses paris réussis.
"Il aime avoir le contrôle sur les débats, mais au Real et contre Paris, l’OM n’a pas été maître du jeu. Il s’est plutôt mis dans une situation d’attente, pour être meilleur en transition, avoir un jeu plus direct. Cela a été mieux fait contre le PSG. Il faut aussi revenir à la réalité : prendre des points et s’adapter à son effectif. Aujourd’hui, son secteur le plus fourni est la défense, avec 5 centraux et autant de latéraux. Et comment faire le mieux avec ce matériel…, poursuit celui qui a failli réaliser l’exploit en sauvant les Sang et Or, la saison passée. Ce qu’il a expérimenté à Madrid, il a réussi à le perfectionner contre le PSG. Pavard latéral, ça avait été compliqué au Real. C’est plus intéressant de l’associer dans une charnière à trois. Associé à un piston comme Weah, ça t’offre une grande sécurité dans le couloir droit. Donc on bascule sur une défense à cinq. Au milieu, vu que De Zerbi tranche pour un double-pivot, il fallait un relanceur pour accompagner Hojbjerg. C’était une bonne réflexion de mettre O’Riley un cran plus bas, pour s’en servir comme rampe de lancement. J’ai même été étonné par son volume à la récupération. Les deux Danois sont super complémentaires. Après il reste à animer notre secteur offensif, où l’OM peut être bien meilleur que cela."
En six jours, des progrès
L’homme qui se plaignant, voici bientôt un an après la débâcle auxerroise (1-3), que ses idées ne passaient pas, doit être ravi. Malgré un effectif remanié à moitié, et la nécessité de "faire en quelques jours ce qui prend normalement deux mois", "Roby" a trouvé les mots et consignes justes. De Lorient à Paris, en passant par le Bernabeu, son équipe a parfaitement répondu, adoptant des visages différents, ou s’améliorant à chaque sortie.
"En restant sur cette stratégie, après Madrid, il fallait être plus vif et perforant dans les sorties de balle. Contre Paris, on est beaucoup moins revenus vers l’arrière après avoir fait pris l’avantage. On n’a quasiment pas perdu ce temps d’avance. Dans le foot moderne, le temps est le plus important. Il faut gagner du temps, tout le temps, insiste Hakim Malek. La victoire de Paris vient de la bonne analyse des manques entrevus à Madrid. Contre le Real, dans l’esprit, on a fait un match pour ne pas perdre, tout en restant dans un certain respect de la philosophie de Roberto De Zerbi, maîtriser, encore maîtriser, puis sortir. Il a aussi déploré, à juste titre, un manque d’ambition. Il y avait la possibilité d’aller beaucoup plus vite, de faire plus mal à ce petit Real, mais ses joueurs n’ont pas toujours osé. Contre Paris, on ne s’est pas posé de question. Son équipe a misé sur la vitesse de transmission pour déséquilibrer le PSG. Depuis le début de saison, c’est le match le plus abouti."
Et après…
Au sortir de cette belle séquence, une question demeure. Cet OM peut-il capitaliser sur ce qu’il vient de bien faire ? Sachant qu’il ne rencontrera pas chaque semaine des adversaires aussi ambitieux… Personne n’a oublié les difficultés rencontrées face aux "petits", ceux confortablement installés autour de leur surface et qui n’ont aucun intérêt à presser.
"Tu croises d’abord Strasbourg, et l’attente n’est pas dans son ADN. Cela peut être favorable au nouveau plan de jeu. Pour moi, De Zerbi restera sur cette lignée… notamment parce qu’il doit tout reconstruire avec ces douze recrues. Encore changer, alors que les premiers repères se forment, c’est aussi audacieux que compliqué. Il va faire tourner à certains postes, mais l’idée directrice du moment est cohérente. Après, quand il faudra contourner les blocs bas, l’OM devra adopter une mentalité plus conquérante, tout en gardant cette verticalité et cette rapidité retrouvées contre Paris, précise l’entraîneur provençal. Depuis la crise d’août, De Zerbi a gagné deux matches de championnat et perdu un contre l’arbitrage, en Ligue des champions. Il s’est parfaitement réadapté, a parfaitement géré cette périlleuse situation. Proposer en 15 jours quelque chose de cohérent, ce n’était pas gagné d’avance !"