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« On sent que c'est un élément moteur du groupe et même du club » : Nicolas Tagliafico, le soldat convaincu de l'OL
Après être parti en fin de contrat le 30 juin, le latéral gauche argentin a accepté de signer pour deux nouvelles saisons à l'OL, il y a un mois. Il a fallu le persuader de la compétitivité de l'équipe, au sortir de plusieurs semaines de flottement.
Dimanche soir, aux alentours de 23 heures, ses coéquipiers ont certainement prévu de pousser la chansonnette dans le vestiaire et même de lui porter un gâteau décoré d'un « Feliz cumpleaños Nico » en pâte de fruits. Mais ils savent aussi très bien que Nicolas Tagliafico n'acceptera de fêter ses 33 ans que s'il sort de la pelouse du Groupama Stadium les trois points en poche et avec des morceaux du short de Mason Greenwood encore coincés entre les dents, suppléments genoux éraflés et maillot froissé.
Le champion du monde argentin n'aime pas vraiment être au centre des attentions : il préfère souffrir et gagner, partout, tout le temps, face à l'OM ou à l'entraînement, et cette obsession le porte depuis plus d'une décennie dans sa riche carrière. « C'est un joueur vraiment majeur par rapport à son expérience, il nous apporte beaucoup avec sa hargne et son état d'esprit sur le terrain car c'est contagieux, décrit Clinton Mata, collègue de la défense lyonnaise. Cet été, on se disait qu'il pouvait revenir, on n'a pas perdu espoir, puis il a pris sa décision. Je crois que c'était important pour lui d'être dans un club où il se sente aimé et respecté. »
Le public lui avait pourtant dit adieu au mois de mai et le virage nord avait déployé une émouvante banderole, car personne n'imaginait que Tagliafico, parmi les plus gros salaires de l'effectif, aille au-delà des trois saisons à l'OL. Trois années traversées en soldat, parfois dépassé par les jeunes jambes des attaquants de Ligue 1 mais toujours courageux, jamais définitivement battu et souvent décisif dans les deux surfaces.
« Défensivement, il est hargneux, costaud, mais il apporte aussi un plus offensif car il marque des buts (5 la saison passée). Il a une grande capacité au dépassement de fonction et c'est pour ça qu'il se retrouve souvent dans les six mètres, analyse Jérémy Berthod, ex-latéral gauche de l'OL (2003-2007). J'ai toujours été très fan de lui car en termes de détermination, il est toujours à fond, il met l'intensité à 200 % à chaque match. On sent que c'est un élément moteur du groupe et même du club. Ça m'a surpris de le voir rester. »
En observateur avisé, l'actuel coach de Limonest connaissait la complexité du dossier, au coeur d'une intersaison qui a failli emporter l'OL en Ligue 2, voire plus bas. Le contrat de Tagliafico a pris fin le 30 juin, pendant les vacances des joueurs et en pleine tempête autour de John Textor, et la reprise s'est donc faite sans lui. L'Argentin observait la situation depuis sa résidence d'Amsterdam, où sa femme était déjà retournée vivre au mi-temps de la saison dernière, chamboulée par deux tentatives de cambriolage depuis son installation à Lyon.
L'affaire semblait donc entendue, c'était la fin, et pourtant le lien n'a jamais été rompu. « On est restés en contact permanent, révèle le directeur technique Matthieu Louis-Jean. La situation du club lui faisait se poser beaucoup de questions. C'est normal, il est champion du monde et il y a le Mondial à la fin de la saison. Mais je crois qu'on a su y répondre, et même si d'autres clubs se sont intéressés à lui, il se sent bien dans ce club et ce groupe et on a réussi à le persuader de revenir. »
Chacun a fait des efforts financiers et les discussions avec Paulo Fonseca ont compté, aussi. « Ç'a toujours été notre intention de le conserver, assume l'entraîneur portugais. J'ai beaucoup parlé avec lui pendant l'été, je lui ai répété qu'il était très important pour le groupe. Lui aussi avait envie de continuer. Le plus important, c'était de connaître nos conditions pour recruter, après tout ce qui nous est arrivé. Il a fait preuve de beaucoup de patience. »
« Il est aussi important de comprendre comment fonctionne Nico : pour sa carrière, il accorde une importance centrale à la compétitivité, il est vraiment très sérieux à ce sujet, souffle un membre de son entourage. Pour lui, il était donc essentiel de connaître la situation de l'OL et de l'équipe à l'approche de cette nouvelle saison. Une fois que ça a été clarifié, il s'est senti valorisé par le club et il a compris que la meilleure chose à faire était de re-signer. Il est resté très fort, tant mentalement que physiquement dans cette période, et avide de compétition. » Elle lui aura forcément manqué, tout comme les séances matinales et les matches, car Tagliafico n'est heureux qu'en crampons, et lui a aussi manqué à l'OL au coeur de la préparation de juillet et durant le stage en Autriche, avant son retour.
Les dirigeants s'accrochaient à leur lien avec le joueur et à quelques motifs d'espoir, comme le fait qu'il n'avait pas voulu vider son appartement lyonnais en partant. L'Argentin a profité de ce break pour se ressourcer au Japon et découvrir un pays dont il admire la culture, mais ses amis s'accordent à dire qu'il n'avait qu'une hâte, retrouver l'atmosphère d'un vestiaire et les sensations du jeu. « Nico veut tout gagner, chaque défi d'échauffement, chaque duel, chaque rencontre, détaille un proche du groupe. Avoir des leaders aussi compétitifs, c'est très important pour créer une mentalité dominante et remettre le club à sa place. »
Défenseur « irréprochable » (Berthod) au caractère « de capitaine » (Fonseca), Tagliafico a retrouvé un effectif plus à son image, début août, lui qui a parfois souffert que son exigence n'ait pas toujours été partagée dans le vestiaire, lors de ses trois premières années à Lyon. « C'est un leader sur le terrain par l'attitude, appuie Louis-Jean. On a vraiment besoin de ça et le groupe aujourd'hui est construit autour de ses valeurs. »
L'Argentin reste quand même un personnage solitaire, mais ses coéquipiers le voient s'ouvrir de plus en plus. L'anglais est aujourd'hui la première langue dans le vestiaire et il le parle couramment, ce qui lui permet de prendre encore plus de place. Demain soir, il s'assiéra sur le banc au coup d'envoi contre l'OM, car son retard dans la préparation ne lui permet pas encore de débuter. Mais quand il entrera en jeu, en seconde période, il faudra bien tendre l'oreille, et profiter : l'ovation du public lyonnais est devenue un rituel, pour lui, quand il entre dans l'arène, là où il s'exprime le mieux.