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OM : de meneur de jeu au Maroc à défenseur star à Marseille, itinéraire de Nayef Aguerd, la nouvelle recrue olympienne
Depuis ses premiers ballons au Maroc jusqu’au Pays basque, où il était prêté l’an dernier, sans oublier son passage à Rennes, le nouveau défenseur de l’OM a marqué les esprits. Autant par ses qualités de footballeur que celles humaines.
Avant même d’y poser un pied, d’enfiler sa tunique immaculée, "le rayon de soleil" Aguerd a percé le ciel nuageux qui étouffait Marseille. Étourdi par l’affaire Rabiot, des échecs sur le mercato et ce piètre Olympico, l’OM perdait la raison. Mais, à l’abri du vent de panique, du spectre de l’improvisation, une douce éclaircie. Pour étoffer cette défense qui en a grand besoin, les dirigeants ont rouvert un vieux dossier. Une piste réfléchie. Comme lui, Nayef Aguerd. "L’homme est exceptionnel, pose d’emblée Philippe Bizeul, l’un de ses mentors au Stade rennais (2020-22). En termes d’éducation, d’intelligence, d’écoute, de sourire… Il mérite vraiment d’être connu et reconnu à sa juste valeur."
Quand il frappait encore la balle pieds nus ou en tongs le long du Sebou, serpent d’eau douce de Kénitra, sa ville natale, le jeune Nayef ne s’imaginait pas acclamé par 65000 fadas, son nom scandé au Vel'. Son rêve était plus modeste, personnel. Surpasser son père, Saïd, ancien joueur de D1 marocaine. L’autre digne représentant d’une "famille de footballeurs", au sein de laquelle régnait, avant Nayef, l’oncle M’Jid, ex-international et latéral du KAC.
Stabilité, "babouche" et vases… avec sa mère, "c’était la guerre"
Son destin était tout tracé, même si une personne, la plus importante de sa vie, a essayé de l’effacer. Le foot, un mot qui hérissait les poils de sa mère. Tout sauf un métier. Pour la "patronne", qui a forgé un homme vanté par tous, rien n’égale les études. "C’était la guerre", en plaisante-t-il aujourd’hui. Le dimanche, Aguerd se lève à l’aube pour boucler ses devoirs avant midi. En semaine, après l’école, il fait de (longs) détours, entre copains, par ce fameux terrain stabilisé. Pour ne pas éveiller les soupçons, il enterre ses baskets, toutes neuves mais plus blanches, dans le jardin… Le lendemain, retour sur la scène du crime. Flagrant délit. La sanction ? Un coup de "babouche". Un soulier qui le menaçait, aussi, quand il dribblait entre les vases de l’appartement.
La vie du néo-Marseillais, jadis 12 printemps au compteur, bascule lors d’un tournoi à Témara, en périphérie de la capitale. Un certain Nasser Larguet, directeur de l’académie Mohammed VI avant de l’être à l’OM, tombe sous le charme de "ce numéro 10, gaucher". Il convaincra madame Aguerd de lui confier son garçon, en insistant sur le système éducatif de la pouponnière, visite guidée à l’appui. À Rabat, dès ses premières séances, Nayef étale une épatante maturité, fil rouge de sa carrière.
"Son repositionnement de meneur à défenseur central ? C’est lui, sa vivacité d'esprit, qui a ouvert la voie. Quand on faisait des jeux réduits, il se mettait instinctivement derrière. Plus tard, je lui ai demandé pourquoi. 'Si ma qualité première est le jeu long, devant j’aurais moins d’espaces pour m’exprimer. Et puis, si je veux avoir une chance de percer, il fallait que je trouve un autre poste', m’a-t-il expliqué. Il avait tout de suite scanné les autres joueurs, même ceux plus âgés que lui. Il avait noté que l’académie regorgeait de très bons milieux", se rappelle Nasser Larguet, qui loue une "capacité d’analyse de très haut niveau", qui rejaillit sur sa "lecture du jeu et son sens de l’anticipation". "Ce n’est pas Usain Bolt mais, étrangement, sourit-il, Nayef n’est jamais pris de vitesse."
Futur chouchou du public ?
Ces qualités devaient le mener à Valence. Fraîchement majeur, Aguerd s’y voit déjà. Son contrat est prêt, mais l’arrivée d’un nouveau propriétaire, Peter Lim, torpille le transfert. L’issue de secours est le FUS Rabat de Walid Regragui. "Un énorme échec". En réalité, un mal pour un (très) bien. En quatre saisons là-bas, il décrochera le titre de champion (2016, une première depuis 70 ans) et comprendra, humblement, qu’il n’était pas encore prêt. En 2018, l’heure du grand saut. Le Marocain débarque à Dijon, où le maintien ne sied guère à son jeu. C’est à Rennes, sous Julien Stéphan et Bruno Génésio (2020-22), qu’il prendra définitivement son envol.
"C’est d’abord quelqu’un de très intelligent. Il excelle dans sa capacité à comprendre les attentes du staff, à mêler les consignes à ses qualités, applaudit Philippe Bizeul. Outre sa très bonne lecture du jeu, son anticipation, il contrôle parfaitement la profondeur. Il est bon de la tête et a une superbe relance, pour renverser le jeu ou entre les lignes." "Il colle parfaitement au profil recherché par Roberto De Zerbi, appuie Romain Salin, sous le charme de son ancien camarade en Bretagne. Il a le calme et la sérénité pour devenir un grand défenseur de l’OM."
Un leader dans l’intimité, aussi, même s’il n'y haussera pas le ton. "Il est plutôt dans le don de confiance, rattraper les erreurs des camarades, dévoile Bizeul, en prenant en exemple sa relation avec le jeune Warmed Omari. C’est d’abord quelqu’un qui agit par l’exemple et la bienveillance."
Ce polyglotte, qui a pu peaufiner la langue de Shakespeare à West Ham (2022-24) et celle de Cervantes à la Real Sociedad (2024-25), a toutes les cartes pour devenir le taulier d’un vestiaire chamboulé cet été, toujours orphelin d'Adrien Rabiot et Valentin Rongier. "Ce que j’ai surtout apprécié chez lui, c’est son humilité, son éducation, insiste le gardien fraîchement retraité, en déterrant une anecdote. À l’été 2021, West Ham le voulait déjà. Il y avait un désaccord entre Nayef, qui souhaitait partir, et la direction. Au même moment, un groupe de cadres, auquel on a associé Nayef, négociait des primes collectives. Nayef faisait la gueule, ne disait rien."
Et Romain Salin, en grand frère qui tire les oreilles : "Je lui dis : 'Nayef, on a tous des soucis persos, mais quand on s’engage pour le collectif, on doit mettre nos problèmes de côté.' Je sais comment les jeunes peuvent réagir après ce type de remarques, l’ego fait irruption, ça se braque facilement… Sauf que là, avec lui, pas du tout. Aussitôt, il répond : 'Tu as raison, je ne dois pas faire ça… Je réglerai mon problème ensuite'. Trois jours plus tard, nouvelle réunion, il était parfait, dans la discussion, avec son sourire légendaire."
L’OM et les Marseillais, au retour de sa pige chez les Lions de l’Atlas (55 sélections), vont vite apprendre à connaître ce prétendant au titre de favori. "Il correspond à toutes les valeurs qu’on veut donner à nos enfants, l’humilité, l’écoute, la gentillesse. C’est vraiment quelqu’un de bien, ponctue Salin. Marseille pourra compter sur un top défenseur et un top homme."