Fourcroy, J'essaie de te répondre point par point.
1- Pour résumer : le grand débat a été cadré par Macron (quel service public souhaitez vous voir supprimer ?) dans un sens qui lui correspondait, le lien n'en parle pas. Les résultats présentés vont tous dans le sens de ce qu'il avait annoncé avant (baisse de la dépense publique, baisse du nombre de fonctionnaire, travailler plus longtemps sur la durée de la vie, baisse du nombre de parlementaires) avant même de connaître les résultats. Conclusion du lien que j'ai posté, et dont ton commentaire fait l'économie, l'ISF faisait partie de ce qui revenait le plus dans les contributions dépouillées. Macron avait dit avant même que ne commence le grand débat, que c'était mort. Je n'y croyais pas, et je ne parviens pas à comprendre aujourd'hui comment quelqu'un pourrait "objectivement" défendre la sincérité de l'exercice et ses conclusions, sans opérer par sophisme. Si t'y parviens, je suis prêts à faire un don pour Notre Dame.
2- Thor s'y connaît plus en économie que moi, je n'ai aucun problème à le reconnaître. Il n'empêche que ce sur quoi j'échangeais avec lui, c'est factuel. Le déficit a plus que doublé entre 2008 et 2010. il explique cela par une baisse des recettes combinées à une augmentation de la dépense publique (si je ne me trompes pas), et que c'est lié à la mauvaise gestion de l'Etat, non à la crise.
C'est assez simple de mon point de vue : la crise entraîne une progression rapide du chômage (derrière les chiffres, de l'humain -> ma mère est licenciée économique de son usine en 2009), donc une hausse des dépenses sociales (aides sociales pour éviter que les gens ne tombent dans le dénuement), donc une baisse des recettes (l'impôt est progressif)... Le tout est responsable d'une hausse considérable du déficit public, que les chiffres que j'ai cités prouvent. Sans la crise, nous n'aurions pas eu une telle croissance de la dette publique française en 10 ans (je n'ai pas dit qu'il n'y en aurait pas eu, encore que si l'on prenait l'argent volé par les voleur.se.s, si).
Si c'est se draganiser que de ne pas être d'accord avec l'assertion selon laquelle "NON", la crise n'est pas responsable d'une partie considérable de notre dette, alors j’accepte volontiers la comparaison. Sur mon raisonnement, j'attends toujours la réponse de
Thor, qu'il me prouve que j'ai tort (justement).
3- Je conçois parfaitement que mes propos sur Notre Dame puissent choquer, a fortiori un croyant pratiquant comme toi (aucune critique là dessus). Pas de problème avec cela, je les ai exprimé en connaissance de cause, avec honnêteté.
Néanmoins, il me semble que tu déformes quelque peu (pour ne pas dire beaucoup) mes propos ou à défaut, ma pensée. Je ne pense pas que "le patrimoine, on s'en bat les couilles". Je pense que "le patrimoine, on s'en bat les couilles quand tout le reste part en couilles". Débloquer en une semaine un milliard d'euros pour de la pierre et du symbole, quand dans le même temps des gens dorment dehors, c'est obscène et je n'ai pas honte de le penser. L'humain d'abord.
4- Je ne me suis jamais caché sur la focale que j'utilise dans mon appréhension de la société, passée et présente. Le social est le premier des déterminants à mes yeux, le plus important, loin, très loin devant les focales politique ou culturelle. Mais je ne vois pas en quoi cela devrait m'inviter à remettre en cause la fonction que j'utilise. Je ne permets à personne de remettre en cause ma probité professionnelle, pas même toi, alors que j'éprouve un profond respect à ton égard.
Je ne remets nullement en cause la probité professionnelle de Rob, qu'il a largement prouvée ici en en parlant. Je dis simplement qu'il se dirige vers un conflit entre ses positions et ce pour quoi il est embauché par l'Etat s'il poursuit à grande vitesse sur la voie qui est la sienne en ce moment.
Je n'avais pas vu ce message, et comprends un peu mieux le précédent. Il se trouve que je discute beaucoup avec mes collègues au sujet de ma condition de petit bourgeois acquise par l'exercice de ma profession depuis 6 ans maintenant. Je ressens beaucoup de culpabilité quand je vois la sécurité économique et sociale dans laquelle j'évolue, comparativement à celle de ma famille. Mes collègues me serinent depuis des mois pour que l'on aille voir une exposition consacrée au réalisme soviétique sur Paris.
Refus catégorique de ma part, pour deux raisons :
1- J'en ai strictement rien à secouer du réalisme soviétique.
2- Aller à une exposition, alors que je m'intéresse au bio, au veganisme, à la lecture, bref, autant de considérations de petit bourgeois bobo de gauche, ce serait trahir ma classe sociale d'origine et son habitus inhérent. Ma famille me voit déjà comme un privilégié à table, et elle ne daignerait même plus donner du crédit à ce que je pourrais raconter (c'est déjà difficile dans un milieu travaillé par l'abstentionnisme et le lepénisme), balayant cela d'un revers de "pff, loisirs de bobos". J'éprouve une terrible mauvaise conscience de classe, face à laquelle je fais contrition (le terme te plaira) chaque samedi en manifestant au milieu des lacrymos et des jets de projectiles (j'exagère, c'est un samedi sur 4 que c'est comme ça en moyenne). J'expie mon péché de classe.
Au passage, cette nuit, frappé d'insomnie, j'ai achevé
Le quai de Wigan d'Orwell. Le passage suivant me fait peur, car il me rappelle moi (à la différence que je ne suis pas né dans la classe moyenne et que je n'en ai pas reçu l'éducation, mais à force de ne côtoyer que des gens qui en sont, je risque de mal finir) :
Mais que dire du représentant de la classe moyenne professant des opinions non plus réactionnaires mais "avancées" ? Sous le masque révolutionnaire, est-il vraiment si différent du premier ? Un membre de la classe moyenne embrasse la cause du socialisme, peut être même rejoint les rangs du parti communiste. Quelle différence concrète cela fait ? (...)
Il se fait l'apôtre du prolétariat, mais il est frappant de constater à quel point ses manières tranchent avec celles des prolétaires. (...) J'ai connu des quantités de socialistes bourgeois, j'ai écouté jusqu'à plus soif leurs diatribes contre leur propre classe, mais jamais, pas une seule fois, je n'en ai vu un qui se tienne à table comme un prolétaire. (...)
Pourquoi un homme persuadé que le prolétariat est détenteur de toutes les vertus s'évertue-t-il à manger sa soupe sans faire de bruits de bouche ? Ce ne peut être que parce que, au fond de lui même, il juge dégoûtants les manières prolétariennes. Vous vous apercevez donc qu'il continue à vivre sur la lancée de la formation reçue dans sa jeunesse, sur la lancée de l'époque où on lui a appris tout à la fois à haïr, craindre et mépriser la classe ouvrière.
Vivre comme l'on pense pour ne pas finir par penser comme l'on vit.
Dans le fond, je ne suis qu'une pâle caricature de petit bourgeois communiste, qui parle de lutte des classes alors qu'il n'appartient pas à la bonne. A ce stade tu trouveras peut être que l'on s'éloigne du sujet, mais pas du tout.
Il y a deux mois, j'ai acheté un gilet jaune à Decathlon pour mon père (son anniversaire -> j'ai horreur de ça), sur lequel j'ai fait inscrire "Je bois la vie en jaune" (il ne boit que du pastis).
Je discute alors un peu avec le salarié de Decathlon. On parle alors des manifestations, puis de politique. Il se trouve qu' anarchiste, il attaquait à ce moment là la lecture de Bookchin (communalisme). Il n'est pas adepte de la propagande par le fait des black blocs (divergence stratégique) mais plutôt de la propagande par l'exemple (vegan, il fait des plats à ses potes pour les convertir). Mon regard s'est émerveillé. Et je ne peux aujourd'hui m'empêcher de penser que grâce à la loi Blanquer et son devoir d'exemplarité (ne pas troubler la confiance entre l'institution et son public), je finirais dans les quelques années par me faire virer (j'ai hurlé à la directrice académique qu'elle mentait lors d'une réunion publique avec la députée LREM de la circonscription, et la même chose à ma direction en plein CA, il faut dire qu'elles mentaient vraiment).
Je pourrais alors devenir prolétaire et ne plus éprouver cette honte qui m'assaille quand je vais boire un verre le vendredi soir, quand j'achète bio ou que je lis un bouquin (autant de loisirs et de pratiques socialement situés) etc. Je pourrais devenir ce type de Decathlon qui peut parler de ses préoccupations majoritairement partagées par les petit.e.s bourgeois.es sans ressentir de honte. Ce serait tellement plus facile d'être vegan, adorateur du bio et communiste (plutôt socialiste) en étant prolétaire. J'ai le sentiment que dans ma famille, on entendrait mieux mon discours, puisque je serais alors socialement et économiquement comme eux. Je n'aurais plus le sentiment d'avoir trahi les mien.ne.s.
Mes collègues le comprennent moyennement, je suis l'objet de moqueries. Samedi dernier, on m'a affublé d'un "tu es le plus gros gauchiste d'extrême droite que je connaisse"
Je le leur rends en les traitant de bobos!
Fenêtre existentielle refermée, désolé pour le pavé.