Information
Mason Greenwood, à jamais entaché
Presque quatre ans après le scandale qui a provoqué son exil d’Angleterre, le meilleur joueur de l’OM va, officiellement, recroiser un club de sa terre natale. Là-bas, le sujet demeure sensible.
1403 jours plus tard. De West Ham, jadis sur la scène d’Old Trafford, à Newcastle, ce soir dans le volcan du Vélodrome. Le prince (déchu) de Bradford, promis à un long, riche et glorieux règne sous la couronne d’Angleterre, va renouer avec l’un de ses sujets. Réprouvé outre-Manche depuis la fin janvier 2022, depuis que Harriet, aujourd’hui mère de ses deux enfants, a diffusé les images de son visage ensanglanté, son corps tuméfié et un enregistrement audio glaçant, aux relents d’agression sexuelle, Mason Greenwood, banni de son île à l’été 2023, rattrape le temps perdu, se rachète une réputation loin des siens. En Provence, malgré son lourd passé, sa conquête fut fulgurante. Une immense majorité du public marseillais n’a d’yeux que pour lui, il est vrai, l’un des plus grands talents que l’OM a couvé au XXIe siècle, à la table de Didier Drogba et Franck Ribéry. Ses 32 buts, sa dizaine d’offrandes, en 52 apparitions sous la tunique immaculée, ont dissipé le scandale. Hormis de rares occurrences, l’homme a cédé sa place au sportif. Une pirouette impossible au royaume de Charles III.
"On s’en fiche de lui"
Tourner la page, les Anglais n’y sont pas près. Certes, ses prouesses sur les terrains de la "Farmers League" n’ont guère d’écho au pays de la Premier League, mais Mason Greenwood ne retournera pas ainsi, si facilement, ses compatriotes. Pas même s’il signe un hat-trick face aux Magpies, avant de briller chaque week-end, jusqu’en fin de saison, en prime time sur la BBC. "Le sujet est très sensible", grimace Rip, fidèle de Newcastle en escale sur le Vieux-Port. "Oui, oui, il est très fort… mais il a frappé sa femme", ajoute-t-il. À ses côtés, David, 36 balais et un accent geordie à couper au couteau, opine : "En réalité, on s’en fiche de lui. C’est un tout petit (geste à l’appui, entre son pouce et index)." Sur les terres de Harry Potter, l’on aurait presque trouvé un concurrent à Voldemort, "celui dont on ne doit pas prononcer pas le nom". "Mason Greenwood", la simple énonciation de ce patronyme suffit à crisper l’assemblée. Expérience menée ces dernières heures dans les rues de Marseille et l’auditorium du Vel', où une vingtaine de journalistes anglais ont tendu leurs micros. Le regard s’assombrit, le ton s’aggrave, la gêne est palpable. "Les médias font tout pour éviter le sujet. On est encore traumatisé, les images sont encore trop fraîches dans nos mémoires, souligne George Boxall, correspondant anglais au pied de la Bonne Mère. Il y a seulement des supporters de Manchester United qui en parlent avec regret, parce qu’ils traversent une très mauvaise période." Si certains confrères étaient "curieux" de connaître l’avis de Roberto De Zerbi, qui a volé au secours de son protégé ("C’est une bonne personne, qui a payé le prix fort pour ce qu’il s’est passé"), le dossier Greenwood a surtout été posé sur le bureau de la presse française. C’est elle, par exemple, qui a lancé et relancé Eddie Howe, le technicien novocastrien. "On va rester sur le terrain…, a-t-il désamorcé, tout en marchant sur des œufs. C’est un très bon joueur, c’est l’homme en forme de l’OM. On va essayer de l’arrêter."
"S’il revient, il y aura forcément des manifestations"
Peut-être ses protégés joueront sur cette corde sensible pour faire dégoupiller le numéro 10 olympien, souvent pris à partie par ses compatriotes. Souvenez-vous l’empoignade musclée de Tyrone Mings, début août en plein match amical entre l’OM et Aston Villa. Début 2024, alors que Greenwood redevenait footballeur à Getafe, le Madrilène Jude Bellingham l’a envoyé valdinguer dans les panneaux publicitaires et l’aurait aussi traité de "violeur".
Bonjour la cohabitation, si l’ex-Red Devil (1 sélection, à l’automne 2020) est un jour rappelé chez les Three Lions. Débat légitime au regard, strictement, de son niveau en ciel et blanc. "Il n’est pas dans nos plans pour le moment et nous ne pensons pas à lui pour notre équipe", a d’ailleurs concédé le nouveau sélectionneur Thomas Tuchel, sans fermer la moindre porte. "On a tellement de bons joueurs dans le secteur offensif que son nom n’est même pas mentionné. Après la qualification pour le Mondial-2026, il y a eu plusieurs émissions pour évoquer la future liste de Tuchel. Personne parmi les supporters ou consultants ne l’a cité. Le silence et l’oubli s’imposent autour de lui. Il y a un profond malaise", relève Keith Downie de Sky Sports. Et si ça ne devait être "qu’un" retour avec un club de sa Majesté ? Très peu d’écuries n’ayant les moyens de satisfaire l’OM, en cas de vente, si ce n’est celles d’Angleterre. "Cette affaire a ému toute la société, pas seulement les fans de foot. Culturellement, ces thèmes sont pris très au sérieux par les Anglais. Le contexte politique serait trop tendu. S’il revient, il y aura forcément des manifestations", présage George Boxall, alors que les charges contre Greenwood ont été abandonnées après "le retrait de témoins clés et de nouveaux éléments". "On a déjà eu une indication, lorsque Manchester United l’a réintégré à l’été 2023. Cela a duré deux jours, avant que les associations de défense des droits des femmes n’obtiennent gain de cause, rappelle Keith Downie. Je pense que beaucoup de clubs anglais auraient peur de tenter ce coup. Vous vous souvenez d’Adam Johnson, l’ancien joueur de Sunderland (condamné à six ans de prison pour attouchements sexuels sur mineur, ndlr) ? Il a disparu et n’est jamais revenu…"
La Provence