Comment l'OM a structuré son équipe féminine pour créer le projet ambitieux et attractif des Marseillaises
Promu en Arkema Première Ligue l’été dernier, l’OM féminin a été rebaptisé “les Marseillaises”, et confié à l’ancienne sélectionneuse Corinne Diacre. Les apparences sont parfois trompeuses. En arrivant à l’OM Campus, centre d’entraînement de la section féminine des Marseillaises, en plein cœur de la cité phocéenne, difficile de croire que l’on approche de "
l’une des opportunités les plus excitantes du foot mondial actuel", comme la qualifie Stefano Petruzzo, directeur général des Marseillaises depuis septembre 2024. Si la perspective sur le parc national des Calanques vaut le coup d'œil, les installations de la section féminine de l’OM restent sommaires, avec quelques Algecos pour accueillir les vestiaires et les bureaux, autour du terrain d’entraînement synthétique. Nous avons voulu en savoir plus sur ce projet des Marseillaises, alors que le club affronte le PSG en championnat, vendredi 5 décembre (19 heures).
Pas de quoi effacer le sourire de Corinne Diacre : "
C’est vrai qu’il n'y a pas des infrastructures qu’on aimerait avoir au quotidien, comme une salle de musculation, mais je sais que ça va arriver. Il faut être patient", relativise l’ancienne sélectionneuse des Bleues, arrivée sur le banc de l’OM début octobre. "
C’est aussi ce que j’ai aimé dans la construction du projet : rien ne m’a été caché. On ne m’a pas vendu des choses qui n’existent pas aujourd’hui. Je connaissais les infrastructures, mon effectif sur lequel je n’ai pas eu d’impact en début de saison", ajoute Corinne Diacre, emmitouflée dans son cache-cou pour résister au mistral, même si c’est bien le projet sportif de l’OM qui l'a emportée.
Tout un club à construireRecréée en 2011, la section féminine de l’OM n’a jamais pesé très lourd dans l’histoire du football féminin, avec 12 saisons en première division dans son histoire mouvementée (huit entre 1975 et 1983, quatre depuis 2016). Ce que la direction phocéenne entend changer, à terme, alors que le club est de retour en Arkema Première Ligue cette saison. "
L’OM, ce n’est pas n’importe quel promu, et pas n’importe quel projet non plus. C’est un projet de club avec une vision à très long terme", résume Corinne Diacre, dont la première mission est d’assurer le maintien cette saison. "
On pose les fondations même si, à terme, jouer la Ligue des champions est l’objectif du club. Il faut rester humble", avertit-elle.
Toujours est-il que l’ambition du projet phocéen détonne dans le football féminin français actuel. "
Ces derniers temps, plusieurs clubs masculins ont cherché à se débarrasser de leurs sections féminines, pour des raisons budgétaires. En ce sens, avoir une vraie ambition pour sa section féminine comme l’a l’OM, c’est original", pointe l’économiste du sport Luc Arrondel, auteur de L’Argent du football, le foot féminin. "
L’argent, c’est le nerf de la guerre, souligne Corinne Diacre.
Là où certains disent que le football féminin coûte cher pour faire des économies, ici on voit l’inverse."
Pour orchestrer ce projet, l’OM a misé sur Steffano Petruzzo, ex-directeur de la stratégie du club masculin de Liverpool (2013-2019). Nommé directeur général de la section féminine début septembre 2024, l’Italo-Argentin devait "
penser un projet, à long terme, et ne plus penser saison par saison. Gagner chaque week-end n’est pas la condition sine qua non pour avancer", explique-t-il à franceinfo: sport. "
On a discuté avec Pablo Longoria et Franck McCourt. Le premier objectif était de remonter en D1, puis de construire une section féminine pour les Marseillaises, avec les mêmes ambitions que celles qu’on a pour les garçons."
"L’ambition n’est pas seulement de gagner avec l’équipe première, mais aussi de construire une académie pour former nos propres talents, avoir un engagement avec notre communauté et devenir un moteur pour le foot féminin dans le sud de la France et dans le monde."
"
Quand je suis arrivé, la section était à l’état embryonnaire. C’était une collection de coachs, sans structure administrative, sans direction sportive. On a structuré l’organisation, tout en se connectant mieux avec le reste du club", résume Stefano Petruzzo, qui a notamment recruté un directeur pour l’académie, un directeur technique pour l’équipe première, un responsable marques et communication, et un responsable événementiel et administratif. Le tout en cherchant un stade plus approprié pour les matchs de D1 que l’OM Campus, à savoir le stade Francis-Turcan de Martigues.
L'OM Féminin devenu "les Marseillaises"Dépendant de la section masculine sur le dossier du centre d’entraînement, Stefano Petruzzo a mené un autre chantier en attendant : celui du changement de nom de l'OM Féminin, devenu "Les Marseillaises", avec une nouvelle identité visuelle. "
J’étais surprise, mais agréablement. Ce logo nous donne une place au sein de l’OM", apprécie ainsi Jenny Perret, joueuse de l’OM depuis dix ans. "
On n’a pas changé d’identité, on en a ajouté une, pour des raisons commerciales, de communications, pour pouvoir nous différencier, créer notre propre histoire et prendre la responsabilité de notre propre destin", justifie de son côté Stefano Petruzzo.
"Le projet marseillais se rapproche de certaines mesures prises à l’époque dans le football anglais, notamment dans la volonté d’indépendance entre la section féminine et la section masculine, et la formation."Avec ce nouveau nom, le DG des Marseillaises vise l’autonomie financière en s’appuyant sur un modèle économique qui mêle sponsors locaux et nationaux, voire internationaux. "
D’un point de vue économique, se détacher de la section masculine peut paraître contre-productif. Mais on le voit beaucoup en Angleterre, avec des structures indépendantes économiquement", complète l’économiste Luc Arrondel. "
La formation est le point essentiel pour le développement économique du football féminin. Et non pas la médiatisation. Mettre l’accent sur la formation permet d’améliorer le niveau de jeu moyen, donc d’augmenter les affluences et la visibilité."
Stefano Petruzzo fait de la formation "
une des trois clés" du projet avec "l’aspect commercial pour alimenter le moteur", et la "
structuration de l'équipe première". Autant de raisons qui ont amené la direction phocéenne à recruter Corinne Diacre, en octobre, ce qui a braqué les projecteurs sur le projet. "
Le coup de communication, c’est le dernier facteur", assure toutefois Stefano Petruzzo. "
On a choisi Corinne parce qu’elle a des qualités humaines, professionnelles et techniques qui peuvent aider un club à se structurer, au-delà de l’équipe première. Elle connaît le très haut niveau, et fait donc progresser les joueuses et le club."
"La formation est très importante. Dans le passé la région a perdu des joueuses comme Louisa Necib, Maelle Lakrar ou Sakina Karchaoui. Dans cinq, dix ans, ce type de joueuses marseillaises, du Sud, devront être avec nous."Une stratégie également appliquée sur le mercato, avec les arrivées l’été dernier de deux internationales tricolores (Mathilde Bourdieu, Margaux Le Mouël), ou du passage éclair de la star norvégienne Maria Thorisdottir. Cette dernière était finalement repartie en Norvège après trois jours et une bagarre intervenue entre plusieurs joueuses lors d'un match amical.
Martigues, en attendant le VélodromeSéduite par la globalité du projet - mais sous contrat que jusqu’à la fin de saison -, l'ancienne sélectionneuse des Bleues (2017-2023) a vite conquis son vestiaire. "
C’est un honneur, parce qu’elle a connu le très haut niveau. On sent qu’elle veut nous faire travailler individuellement et collectivement. Elle est précise, on comprend bien où elle veut en venir", apprécie ainsi Jenny Perret. "
C’est très enrichissant. Elle nous pousse au quotidien. On prend tout ce qu’elle nous dit, elle demande toujours plus. C’est une coach qui a beaucoup d’expérience à nous donner", ajoute la jeune Naomie Bamenga, internationale U20 avec les Bleues, recrutée à l’été 2025.
"Le discours des dirigeants m’a beaucoup plus. Et c’est l’OM ! Quand l’OM t’appelle, tu ne réfléchis pas longtemps. Il y a de grandes ambitions ici, la volonté d’évoluer d’année en année. Ça m’a beaucoup plu."Au-delà du CV de leur coach, les Marseillaises ont aussi senti le changement de braquet ces derniers mois, avec un staff de plus en plus élargi. "
Ça nous donne plus d’importance. On sent qu’on est soutenues par la direction, qu’on fait partie du club, pas que de la sélection féminine", glisse Jenny Perret. Propriétaire de l’OM, Franck McCourt a ainsi assisté à trois matchs de D2 la saison passée, tandis que le président Pablo Longoria passe régulièrement à l’entraînement.
Encore dans sa première phase du projet, les Marseillaises affronteront, vendredi 5 décembre, le Paris Saint-Germain, à Martigues. Une rencontre qui aurait pu se tenir au Vélodrome sans diverses contraintes (diffusion TV, calendrier européen du PSG...). "
On regarde tous les moyens pour faire vivre le foot féminin au Vélodrome de la meilleure manière possible. On n’aura pas 67 000 personnes la première fois, mais peut-être un jour. Le peuple bleu et blanc sera là pour nous", espère Stefano Petruzzo, qui aimerait également pouvoir faire du stade Delort, qui jouxte le Vélodrome, la future maison des Marseillaises.
En attendant, les Marseillaises doivent engranger des points dans le championnat, même si le prochain match contre le PSG ne sera pas le plus simple. "
On joue le maintien, le PSG joue la Ligue des champions. Il n’y aura aucune rivalité, désamorce Corinne Diacre, Pour moi aujourd’hui le Classico n’existe pas chez les femmes. J’espère qu’il existera à terme, ça voudra dire que les Marseillaises ont évolué dans le bon sens par rapport au projet."
Adrien Hémard Dohain pour France Infohttps://www.franceinfo.fr/sports/foot/d ... general%5D