Et si on leur laissait du temps ?

Parcourant relativement souvent les réseaux sociaux, notamment celui à l’oiseau bleu, une grogne et une impatience chronique se font de plus en plus sentir au sein des supporteurs. Est-ce représentatif de l’opinion générale ? Je pense évidemment que non, mais s’en servir comme tendance, c’est toujours intéressant…

Les réseaux sociaux, c’est une sorte de microanalyse sociologique et en ce qui me concerne, je trouve ça passionnant. Je suis un peu comme cet ornithologue qui passerait des heures à observer les oiseaux, à la différence que je me mêle aux oiseaux pour les observer et j’interagis avec eux. Forcément j’en suis un moi aussi. Et les différents commentaires, mon propre état d’esprit à la sortie de cette saison très décevante et la remarque en particuliers d’un twitto (qui se reconnaîtra et merci à lui) m’ont inspiré cette réflexion.

Twitter : source inépuisable d’inspiration

L’amour est comme l’oiseau de Twitter
On est bleu de lui, seulement pour 48 heures…

Je l’ai déjà écrit à plusieurs reprises, je ne pense pas que Jacques-Henri Eyraud soit l’homme de la situation pour plein de bonnes raisons que je ne vais pas évoquer ici, car ce n’est pas le propos de mon article, donc en aucun cas ce qui va suivre est un plaidoyer en faveur du président de l’Olympique de Marseille. Mais j’ai une réaction épidermique face à l’injustice et lorsqu’on juge une action, une personne ou le travail d’une personne, on se doit d’être le plus objectif possible afin que cette objectivité écarte de fait l’injustice.

Souvent, revient sur twitter, comme un gimmick, la comparaison entre Vincent Labrune et Jacques-Henri Eyraud, ou plus généralement entre les périodes de l’ancienne direction et de la nouvelle. Et je trouve ça totalement stupide. Pas nécessairement stupide de le faire, on est toujours dans la comparaison systématique et il est important d’avoir une référence, mais si on le fait sans remettre cette comparaison en perspective, cela n’a aucun sens et injuste, c’est le sujet de cet article.

Comment peut on comparer plus de 20 ans de présidence de la famille Dreyfus avec seulement deux ans et demi de présidence McCourt. C’est un peu comme si on comparait deux voitures identiques mais à 20 ans d’écart. Aucun sens.

En revanche, si on remet les choses en perspective, c’est-à-dire qu’on tient compte des contextes d’une époque et de l’autre, des contraintes d’une direction et de l’autre, des communications différentes, alors la comparaison retrouve son intérêt.

Je rassure immédiatement le twitto qui m’a inspiré cet article, je sais pertinemment qu’il en a connaissance et rendons-lui ce qui lui appartient, c’est l’un des premiers à avoir exprimé sa défiance vis-à-vis de l’action présidentielle. Je vais donc me prêter à l’exercice de l’analyse comparative (en replaçant le tout dans son contexte).

Remember this

Pour commencer revenons un peu en arrière et souvenons-nous. Après l’affaire et la triste fin du règne Tapie, nous sommes relégués en deuxième Division. Le club est géré par la Mairie qui lui cherche activement un repreneur. Malgré un retour dans l’élite gagné sur le terrain, on nous laisse encore une année au purgatoire pour des raisons économiques. Enfin, ça c’est ce qu’on nous a dit. Vous ne m’empêcherez pas de penser que pour nos fossoyeurs de l’époque, un an sans OM, c’était trop peu, surtout après l’hégémonie des années Tapie.

En 1996, arrive Robert Louis Dreyfus, richissime homme d’affaire qui récupère le bébé Olympique de Marseille avec le grand frère Adidas dont il fera l’une des grandes marques d’équipement sportive dans le monde. La famille Dreyfus restera aux manettes du club durant vingt longues années. Et en vingt ans, qu’ont-ils fait ?

Je vais laisser cette question en suspend pour faire le parallèle avec un autre club que nous aimons détester, à savoir l’Olympique Lyonnais. Jean-Michel Aulas arrive aux manettes en 1987 et si je m’arrête à 2007, soit 20 ans, la comparaison au niveau palmarès des deux clubs est assez effrayante en notre défaveur. Qu’on le veuille ou non, qu’on l’aime ou pas, Aulas a su, sur cette période, amener son OL, dans le top 3 des clubs français et dans le top 20 des clubs européens.

Des titres qui se sont enchaînés durant les années 2000 et une régularité au haut niveau presque sans faille. Et surtout, un centre de formation exemplaire et qui sort chaque année l’ossature de ce que sera la future équipe professionnelle. Un stade qui lui appartient et qui constitue donc un actif immobilier (ça devrait parler à notre twitto). Une entrée en bourse plutôt réussie et donc une ouverture de capital, permettant à des investisseurs de venir renforcer les bases financières déjà solides du club. Je ne parle même pas du pragmatisme de l’homme d’affaire rhodanien. Quitter Gerland ? Aucun problème tant que c’est pour le bien du club. Encore une fois, je ne fais pas l’apologie de Jean-Michel Aulas, par bien d’autres côtés détestable, mais force est de lui reconnaître un savoir faire certain en matière de gestion de club et de progression de son entreprise OL.

Saint Jean-Michel, chef, chef.

Je reprends ma question laissée en suspend : en vingt ans, elle a fait quoi la famille Dreyfus pour l’OM ? Quelle empreinte laissera ce propriétaire après 20 ans passé à la tête d’un club ? Un centre d’entrainement que tout le monde s’entête à nommer La Commanderie ?

Un Centre de formation ? Quasiment inexistant et inutile.

Des titres ? Oui, une période presque « normale » sous la présidence Diouf, concrétisée par un titre de champion en 2010 après que l’artisan de tout ça soit remplacé par un énième incompétent, à savoir Jean-Claude Dassier, marionnette de Vincent Labrune. Mais toutes ces années de disette. Combien investi en 20 ans par la famille Dreyfus ? 169 Millions d’euros en 20 ans. C’est fabuleux évidemment et merci à la famille Louis Dreyfus d’avoir fait autant pour l’OM, mais au final, en partant ils ont laissé quoi ?

Un tas de cendre qui ne reposait sur aucune fondation solide. Rien ! Le néant ! Pourtant on a l’exemple lyonnais qui dans le même temps a construit tellement bien. Alors, encore une fois, la différence se fait que dans un cas ça a toujours été un président délégué et dans l’autre un président propriétaire très présent qui gère chaque centime correctement par ce que chaque centime lui appartient. Je ne dis pas que les différents présidents délégués qui se sont succédés à la tête de la maison OM étaient foncièrement mauvais, mais ils n’avaient pas pour prérogative de construire  sur le long terme. Et si c’était une partie de leur mission, autant dire que cet aspect-là, n’a jamais été respecté ou très peu.

Et maintenant ?

Vingt ans plus tard arrive un américain qui en deux 2 ans et demi investit environ 300 millions d’euros dans le club en essayant d’y construire les fondations qui manquaient tant. C’est-à-dire, la base de travail OM Campus pour les jeunes et les féminines au Cesne. Bien entendu les fruits d’un vrai centre de formation mettront du temps à arriver et y attirer des bons jeunes signifie qu’à l’étage supérieur on leur fera enfin confiance.

La gestion du stade enfin récupérée par le club. En ce qui me concerne, je trouve même qu’ils ne sont pas allés assez loin. Le Vélodrome a une histoire, bien sûr qu’il en a une, mais rien n’interdit et n’empêche d’aller écrire la suite de l’histoire ailleurs. Construire un nouveau stade (pas en centre-ville, ce qui est une aberration) avec des accès réfléchis, des parkings en nombre suffisants et proposer la fameuse « Fan Expérience » idéale, ça fait partie de l’histoire d’un club. L’Atlético Madrid, La Juventus, Arsenal et tant d’autres ont changé de stade pour mieux, plus grand et plus rentable. On se moque des LEDs et de la sono, mais reconnaissons tout de même que la sono du Vélodrome était lamentable et que des améliorations sur les lumières pouvaient être faites.

Certains diront que ce n’était pas une priorité, mais vu l’état dans lequel était le club, tout est une priorité. Et l’actuelle direction fait les choses une après l’autre, pierre après pierre.

Dernière polémique en date, le vert d’Uber Eats sur le maillot de l’OM*. On ne connait pas le montant donné par Uber Eats, mais si ce montant est conséquent et permet de réaliser certaines choses, on s’en contre fichera un peu du vert sur le maillot… Dans l’état actuel du foot business, le pragmatisme financier est la règle. Et c’est celle-ci qu’a appliqué Jean-Michel Aulas. Si on n’avance pas on stagne et si on stagne on meurt. On a le droit de se tromper dans ses choix mais prenons des décisions. L’exemple de la conservation de Rudi Garcia en est la parfaite illustration. On aurait dû se débarrasser de Garcia à la trêve. Bien sûr, ça ne garantissait pas forcément de meilleurs résultats mais cela aurait donné la sensation qu’on agissait.

Certains pourraient me dire que d’avoir conserver Garcia était une forme de courage en allant au bout de ses idées. Mais reconnaître son erreur après l’élimination honteuse contre Andrézieux aurait aussi été courageux. Se tromper est une option acceptable encore une fois, mais se tromper et ne pas analyser ses erreurs pour des hommes de ce niveau, ce n’est pas permis.

* Uber Eats a depuis annoncé que le logo serait noir sur le maillot domicile sous la pression des supporteurs olympiens

Les règles ont changé

Il est toute même primordial de noter que les règles ont changé entre les deux périodes. D’une part l’inflation créée, en partie, par l’arrivée des états propriétaires de clubs et leur puissance d’achat a fait que le prix de la « denrée » joueur de football, même moyen, a explosé. D’autre part, les règles de la DNCG, du Fair-Play financier, ne sont clairement pas faites pour qu’un investisseur même puissant puisse venir déranger le cercle très fermé du Gotha Européen. Et pourtant la marque OM, est l’une des valeurs sûres du football hexagonal. Connu en Afrique, en Amérique du sud, ne reste à conquérir « que » le continent asiatique friand de maillots européens. Mais pour ça, il faut d’abord avoir des résultats. Mais avoir des résultats sans investissements conséquents limités par le Fair-play financier… l’histoire du serpent qui se mord la queue.

Et malgré ça, malgré ce changement de règle, notre propriétaire a investi pas loin de 300 millions d’euros en 2 ans et demi. Certes, je l’ai déjà dit précédemment, mais lorsqu’on remet les choses en perspective, c’est vertigineux comme somme quand on compare aux investissements de l’ère Dreyfus. On peut discuter autant qu’on veut sur la stratégie des dépenses, des achats joueurs etc. On est le pays aux 70 millions de sélectionneurs et c’est encore plus vrai à Marseille. Autant de passionnés que de spécialistes football, tactiques, mercato, entraînements physiques. Mais si on lit les réseaux sociaux, on se demande pourquoi on n’est pas tous footballeurs professionnels, entraîneurs voire carrément directeurs sportifs ou présidents de club !

Allo ? Alloooo ?

Encore une fois, je ne le défends pas, pour moi sa communication est si mauvaise qu’il est difficilement défendable et j’en veux encore pour preuve la conférence de presse de présentation du nouveau sponsor, qui fut calamiteuse. Mais parfois, s’arrêter, analyser, replacer les choses dans un contexte, ça peut permettre de relativiser et surtout reconnaître que nous sommes très impatients. Nous avons le droit d’être exigeants parce que nombreux donnent tout pour ce club et ils ne peuvent pas comprendre ou entendre que les gens qui y travaillent ne fassent pas de même. Mais si McCourt est là dans le long terme, comme il n’a cessé de le dire depuis son arrivée (et certains actes me poussent à le croire) alors il faut forcément lui laisser le temps de construire et lui donner aussi le droit à l’erreur.

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A propos de Tacle Glacé


Supporteur de l'OM depuis sa naissance et même avant j'étais un spermatozoïde engagé !
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7 Réponses pour Et si on leur laissait du temps ?