Information
Le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 intéresse fortement le juge en charge de l'affaire Bettencourt. L'incarcération de Patrick De Maistre pourrait bien en être un tournant.
Patrick De Maistre, l'ancien gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, dort maintenant en prison. Son placement en détention provisoire, décidé par le parquet de Bordeaux, a pourtant de quoi laisser perplexe. Dans un communiqué, le tribunal explique laconiquement que "des faits nouveaux" sont apparus dans le dossier. De Maistre aurait perçu, d'une part, environ trois millions d'euros de la part de la milliardaire, alors en situation de "vulnérabilité". D'autre part, il aurait encaissé 2,4 millions d'euros grâce à des factures frauduleuses émises par la société Eugenia, qu'il gérait, à l'égard de la société Clymène, qu'il dirige. Voilà pour le volet officiel de l'affaire.
Pourtant, sa mise en détention provisoire, pratique rare dans les affaires financières, soulève bien d'autres questions. De l'aveu même de ses avocats, les faits actuellement reprochés à Patrick de Maistre étaient connus dès le début de l'instruction. Quels sont alors les "faits nouveaux"? Selon plusieurs médias, dont le JDD, c'est le retour d'une commission rogatoire de Suisse qui aurait fait prendre cette décision au juge Gentil, en charge de l'affaire. Ce dernier s'intéresse depuis quelques temps à des retraits en espèces effectués en Suisse, et à un système de "compensation bancaire" au profit des Bettencourt. En d'autres termes, une fraude fiscale caractérisée. Mais pas seulement.
Le financement de la campagne de 2007 clairement évoqué
La destination finale de ces fameuses espèces pourrait faire basculer cette banale affaire en scandale d'Etat. Dans son ordonnance, le juge Gentil ne prend même pas la peine de masquer son intérêt pour le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. En cause, deux versements de 400 000 euros touchés par les Bettencourt, en présence de Patrick De Maistre. Le premier coincide étrangement avec un rendez-vous entre le gestionnaire et Eric Woerth, trésorier de l'UMP. Le second intervient à une date mentionnée par François-Marie Bannier dans son audition. Liliane Bettencourt lui aurait confié : "De Maistre m'a dit que Sarkozy avait encore demandé de l'argent. J'ai dit oui."
Le juge Gentil ne s'arrête pas en si bon chemin. "Il convient de noter que des témoins attestent d'une visite du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy au domicile des Bettencourt pendant la campagne électorale de 2007, que des investigations sont donc nécessaires s'agissant de ces premières remises de 2007", poursuit-il dans son ordonnance. En clair, l'actuel président de la république aurait pu financer une partie de sa campagne par de l'argent issu d'une vaste fraude fiscale, et provenant d'une personne vulnérable.
Pour rappel, l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout, avait indiqué aux juges avoir remis 150 000 euros en liquide à Patrick De Maistre, celui-ci lui ayant affirmé qu'ils étaient destinés à la campagne de Nicolas Sarkozy. L'infirmière de la milliardaire, elle, affirme avoir assisté à une remise d'espèces directement dans les mains de l'ex-minitre de l'Intérieur. C'est ce que la juge d'instruction Isabelle Prevost- Desprez évoque dans le livre Sarko m'a tuer, écrit par deux journalistes du Monde, parlant de "pressions" sur l'ancienne employée des Bettencourt. Cette dernière aurait fait cette confession hors-procès verbal, pour éviter des représailles.
L'affaire Bettencourt semble donc prendre une autre envergure, et les possibles révélations de Patrick De Maistre, incarcéré à Gradignan, pourraient être capitales.