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Ilann, 15 ans, mort en jouant au foot
Leur fils est décédé des suites de ses blessures après un choc lors d’un tournoi, le 1er juin, en Gironde. Ses parents réclament justice et portent un message de prévention contre la violence sur les terrains.
« Je m’appelle Ilann. Je suis gentil, intelligent, poli, sportif… mais aussi timide […] mais il y a un endroit où ce regard ne m’effraie plus : le terrain de football. Là, je prends ma place, je m’exprime, je m’impose. Ce sport m’a aidé à gagner confiance, à surmonter mes peurs. » C’est par ces mots qu’Ilann Vermis, 15 ans, décrivait quelques mois avant sa mort son attachement au sport qui le portait depuis sa petite enfance. Dans la rédaction pour son cours de français, le collégien remerciait son père pour son soutien sans relâche, son honnêteté, ses sacrifices.
Le garçon, « calme, drôle, partageur », qui avait rejoint fin 2024 pour progresser la Jeunesse villenavaise, club de foot réputé de l’agglomération bordelaise, à Villenave-d’Ornon, à 70 km de son domicile — après dix ans à Langon (Gironde) —, n’a pas eu le temps de poursuivre son rêve de « jouer au foot à un bon niveau, devenir prof de sport ou éducateur et, pourquoi pas, intégrer un centre de formation », décrit sa mère, Virginie Vermis.
Le 3 juin, « tout s’est effondré, tout est parti avec lui », ajoute-t-elle, le souffle court. Sa peine est immense depuis que le benjamin de la famille est mort après un choc sur un terrain de football, lors d’un tournoi ordinaire.
« Un choc si violent qu’il lui a déchiré le foie en deux »
« Tu pars un dimanche matin assister à un tournoi de foot en pensant passer une bonne journée en famille mais tu ne reviens jamais avec ton fils. C’est inimaginable », résume Virginie Vermis, comme si le cauchemar pouvait prendre fin. Le dimanche 1 er juin était pourtant « un week-end de rêve » où se déroulait le très attendu tournoi Sam Elite, au tableau prestigieux. La veille, Ilann avait joué contre Angers et Rennes. L’OM, Nantes, Strasbourg participaient aussi au tournoi, dont la composition, divulguée au compte-gouttes les semaines précédentes, avait déclenché « la joie d’Ilann en découvrant les équipes pros qui allaient participer », se souvient Virginie.
Ce samedi 31 mai, elle avait invité pour ce week-end tant attendu son copain gardien de but à dormir à la maison pour suivre la finale du PSG en Ligue des champions. La victoire du club préféré d’Ilann avait ajouté à l’allégresse, avant de reprendre la route, le dimanche matin, pour le premier match de la journée contre le Stade bordelais. Ilann savait que des recruteurs seraient au bord du terrain : au plaisir de jouer s’ajoutait celui de faire de son mieux, pour lui qui était suivi par quatre clubs, dont l’OM.
Sébastien, Virginie et leurs filles Emma et Luane, fidèles supportrices, sont au bord du terrain. À 9 heures, le match commence… mais s’arrête au bout de sept minutes lorsque Ilann se fait percuter de plein fouet dans le haut du corps par un joueur adverse qui prend un carton rouge. Ilann ne se relève pas.
« L’impact a été si violent qu’il lui a déchiré le foie en deux morceaux, une partie de la veine cave. Il s’est vidé de son sang, il a fait un arrêt cardiaque de trente minutes, puis il est tombé dans le coma devant nous », déroule Sébastien Vermis d’une voix blanche avant de poursuivre, vaillamment, comme en écho à la bataille qu’a menée Ilann durant deux jours.
« Parce qu’il a été polytransfusé, ses poumons ont cessé de fonctionner, ses reins aussi, sa tension tombée à quatre l’a rendu inopérable pour recevoir sa greffe du foie. Il se nécrosait de l’intérieur, il a énormément souffert. » À 3 h 30 le mardi, après avoir subi quatre opérations, celui que ses parents surnomment à présent « le guerrier » rend les armes.
Une première plainte classée sans suite
« Ilann est décédé des suites de ses blessures, on n’accepte pas d’entendre qu’il n’y a pas eu faute ou que c’est un fait de jeu. Non. Ça a détruit notre fils, ça a détruit notre vie. On ne veut plus qu’un jeune puisse mourir en mettant un pied sur un terrain », martèle Sébastien Vermis, révolté que le joueur adverse puisse continuer à jouer au foot.
« On ne comprend pas que ça prenne autant de temps pour appliquer des sanctions. En cas de violences ayant entraîné huit jours d’ITT, c’est deux ans de suspension. Concernant un choc ayant entraîné la mort, il n’y a pas de règles, car ça n’était jamais arrivé. Pourtant il joue encore », pointe Virginie Vermis.
« Certes, il n’avait pas l’intention de tuer mais son geste violent a fait que… Si, en voiture, je roule à 130 km/h au lieu de 50 et que je percute un piéton, certes je n’avais pas l’intention de le tuer mais je n’ai pas respecté le Code de la route. Lui n’a pas respecté les règles de protection de l’intégrité physique des joueurs », ajoute le père.
La première plainte déposée par la famille Vermis contre le joueur a été classée sans suite par le parquet des mineurs de Bordeaux. « La seconde plainte déposée contre les premiers secours intervenus sur le terrain, dans les suites immédiates du choc, est toujours en cours d’enquête », annonce leur avocate, M e Hirn.
Un brassard hommage
Peu après le drame, son ami Malone et trois autres joueurs langonnais ont enfilé spontanément un brassard aux initiales de leur copain disparu. « IV4, en hommage à Ilann, pour ne pas l’oublier », glisse l’adolescent qui a joué trois ans avec Ilann avant qu’il ne parte à Villenave-d’Ornon. « C’est lui qui m’a accueilli et m’a aidé à m’intégrer », se souvient son ami, qui a eu « du mal à retourner sur le terrain à la rentrée ».
La famille Vermis, touchée par l’initiative, la démultiplie en distribuant « 330 brassards en dix jours, les 370 prochains sont presque tous réservés », compte Virginie Vermis, émue « que le brassard se répande dans toute la France et au-delà, et avec lui l’histoire d’Ilann, pour que ceux qui ont tendance à péter les plombs sur le terrain se souviennent que, par leur état d’esprit, ils peuvent causer des dégâts irrémédiables ». Et l’association Un brassard pour Ilann, qui vient d’être créée, cherche à présent à lever des fonds pour faire de la prévention auprès des jeunes et défendre « un foot respectueux ».
Dans son processus de deuil, le couple se raccroche aux comptes d’Ilann sur les réseaux sociaux. « Impensable de les fermer, ça aurait été comme si on voulait vider sa chambre », restée intacte depuis juin. « On l’a supprimé de tout, sécu, CAF, école, impôt, c’est intenable, alors on garde ce qu’on peut, on continue à payer sa facture de téléphone et on fait vivre son compte TikTok. »
Chaque semaine, Sébastien y tient des lives pour parler d’Ilann et poste un montage vidéo compilant les photos des brassards disséminés à travers la France, et même au-delà, comme autant d’oriflammes à la mémoire de ce jeune homme.
« On ne comprend pas que ça prenne autant de temps pour appliquer des sanctions », déplorent Sébastien, Virginie et Luane Vermis (de dr. à g.), les parents et l’une des sœurs d’Ilann.
Le Parisien