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Garde rapprochée, communication, méthode : comment Medhi Benatia a pris le pouvoir à l'OM
Débarqué à l'OM comme conseiller sportif du président, il y a près de deux ans, Medhi Benatia, devenu directeur du football, a tissé sa toile avec application, devenant le personnage le plus influent du club.
Il est si loin, ce mois de novembre 2023. Souhaitée par un Pablo Longoria isolé au club, la venue de Medhi Benatia se déroule dans un cadre précis, presque riquiqui, et lors d'un de ses premiers déjeuners au Babbo, Cécilia Barontini, la DRH de l'époque, lui rappelle qu'il ne peut avoir de subordonnés. Il est un conseiller sportif, prestataire, pour des raisons juridiques : intermédiaire sur des transferts entre 2021 et 2023, il n'a pas le droit d'exercer une responsabilité officielle de dirigeant avant une année pleine.
Le numéro 2 de l'OM, Stéphane Tessier, ne veut pas de Benatia. L'ex-dirigeant de l'ASSE a installé des fidèles dans tous les secteurs du club, le clan des Stéphanois s'est épaissi au fil des saisons. Son premier mercato, en janvier 2024, qu'il veut malin (Ulisses Garcia, Faris Moumbagna, Jean Onana et Quentin Merlin arrivent, Renan Lodi et Vitinha partent), Benatia le passe en solitaire, ou presque. Il peut compter sur un recruteur italien, Roberto Malfitano, et l'intense Ali Zarrak, qui dort dans sa voiture devant les centres d'entraînement de Bretagne pour cueillir un latéral gauche (Merlin le Nantais, à côté de tentatives pour le Brestois Bradley Locko et le Rennais Adrien Truffert).
Deux ans plus tard, avec sa force de conviction et de travail, le rouleau compresseur Benatia (38 ans) est arrivé à ses fins (*). À La Valentine, il n'y a plus assez de places chez Babbo, devenu une de ses cantines préférées, pour rassembler ses disciples à l'OM. Ses déclarations tonitruantes sur les salariés du club ont été accompagnées d'un renouvellement d'envergure. Longoria a même sacrifié des proches, tel le directeur du centre de formation Marco Otero, ou plus récemment Fabrizio Ravanelli, désormais cantonné à des fonctions lointaines. Comme le président espagnol avant lui, puis comme Tessier, Benatia a pris le pouvoir, installé ses équipes.
Bob Tahri, le polyvalent bras droit
Au printemps dernier, Benatia disait, en privé, avoir constitué une « dream team » autour de lui, des hommes surqualifiés venus pour lui et son projet. Il citait ainsi Bob Tahri : « J'ai pris un directeur sportif (à Metz) qui est prêt à s'occuper ici des rendez-vous médicaux de femmes de joueurs. » Arrivé pour chapeauter le nouveau département « player care » fin 2024, Tahri a connu Benatia lors de son passage messin, sur le transfert de Jean N'Guessan à l'été 2023, représenté par le second.
L'ancien champion de 3 000 m steeple a su gagner la confiance des joueurs la saison dernière, notamment lors des deux « ritiros » à Rome, où il réservait les restaurants pour ceux qui le voulaient quand ils avaient une soirée de libre. Une de ses premières missions avait été le week-end organisé entre joueurs à Copenhague mi-décembre 2024.
Son champ d'action s'est étendu. Outre la conciergerie et l'accueil des recrues à Marignane, il est devenu le directeur de la performance. Il a remplacé Marcello Iaia, parti à l'Atalanta. Si Iaia s'occupait uniquement de la réathlétisation des blessés, Tahri a un oeil sur tout, de la nutrition - un de ses domaines de prédilection - à la confection des plannings d'entraînement, communiqués sur le groupe WhatsApp des joueurs.
En coordination avec le nouveau docteur Damien Monnot, arrivé du LOSC en juillet, Tahri établit les programmes de reprise des blessés, du groupe, entre les séances en salle et celles sur le terrain. Proche du coordinateur sportif Aziz Mady-Mogne, embauché par Benatia à l'été 2024, Tahri est de tous les déplacements du groupe pro. Un groupe désormais encadré par une nouvelle société de protection rapprochée, les colosses qui s'occupent de la sécurité du rappeur Jul depuis plusieurs années.
Thomas Heurtaux, le vieux compagnon de route
Benatia a ses relais partout. Dans le staff de Roberto De Zerbi, on retrouve Thomas Heurtaux, son ancien coéquipier à l'Udinese (2012-2013), à la maîtrise parfaite de l'italien. Invité à plusieurs reprises par Benatia, la saison dernière, Heurtaux est devenu l'interprète « sportif » de De Zerbi, rôle occupé par Marco Rotondale jusque-là. Ce dernier, parfois aléatoire dans ses traductions, a retrouvé son poste de préparateur physique, lui qui a déjà survécu à plusieurs changements de staff - il était arrivé dans les bagages d'Igor Tudor en juillet 2022.
Les soirs de match, Heurtaux est assis entre Andrea Maldera, le bras droit de De Zerbi, et Marcattilio Marcattili, un des préparateurs physiques, et il reçoit des messages importants : des notes vocales en direct de Benatia, sur des aspects tactiques. Le directeur du football vit les rencontres de manière totale, il commente le match (en italien) avec Longoria, avec des propos parfois salés si ses joueurs le déçoivent, et transmet ses observations sur WhatsApp.
À la cellule de recrutement, Benatia s'appuie sur Cristian Ercolani (ex-Manchester United) et Romain Barq, qui sait bien la mener depuis ses premiers pas à Saint-Étienne puis Wolverhampton. Au centre de formation, il a installé Titou Hasni comme directeur, Olivier Bijotat à la préformation, Romain Ferrier à la réserve. Le coordinateur Nor-Hédine Ainseba planche sur la détection, tout comme le dernier arrivé à la cellule, Halim Belghazi, actif sur la région Sud.
Bel-Abbès Bouaissi, le transfuge de beIN Sports proche des joueurs
Benatia a récupéré un domaine qui lui est cher : la communication, qui relevait plutôt des présidents de l'OM depuis la mise en retrait de José Anigo, en 2014. Il qualifiait durement le travail de la précédente équipe en place, pas assez professionnelle à ses yeux, trop attachée selon lui à des anciens prés carrés. Benatia rêve de médias qui « collaborent » et continue de passer beaucoup de temps au téléphone avec des chroniqueurs de nombreuses émissions, et il a voulu restructurer ce service.
Il a fait appel au début de l'été à Enrica Tarchi, ancienne membre de la large équipe communication de la Juventus, puis chargée des relations presse de l'écurie de Mino Raiola, qui officie en prestataire. Et à Bel-Abbès Bouaissi, ancien chef d'édition de beIN Sports pendant une douzaine d'années, qu'il a connu durant sa carrière de joueur, via son agent Moussa Sissoko.
Le 15 février dernier, interrogé par le média Africa Foot United sur le mercato d'hiver de l'OM (Luiz Felipe, Amine Gouiri, Ismaël Bennacer, Amar Dedic), Bouaissi disait : « Le travail de Benatia, à ce stade, et en étant très objectif, c'est un travail incroyable. Je me demande si ce n'est pas le meilleur mercato de l'histoire de l'OM, il a su viser juste, prendre les bons joueurs, aux bons postes, en accord avec son entraîneur, ce qui est très rare dans le milieu du foot actuel. Son mercato est quasi parfait, si ce n'est parfait. »
Recruté sans expérience dans la comm', mais plutôt parce qu'il aurait un bon contact avec les joueurs, Bouaissi incarne la nouvelle génération installée par Benatia.
Benjamin Arnaud, le secrétaire général axé contrats et mercato
Des hommes investis et loyaux, qui quitteraient l'OM avec lui s'il le fallait. Le Marocain se considère « en mission », plus que jamais. Les salariés déjà présents au club l'ont bien saisi, il n'y a pas de nuances ou d'entre-deux. Un détail négligé, comme des joueurs qui ne passent pas par la Commanderie avant d'aller disputer un amical au Vélodrome, peut déclencher l'ire du boss.
Certains, comme le secrétaire général Benjamin Arnaud, proche de Tessier qu'il surnommait « le magicien », ont pris le train Benatia en marche, et à toute allure. Même type de costumes et de chaussettes courtes que le dirigeant, celui qui verrouille les contrats et participe activement au mercato a tout pris chez l'ancien défenseur.
En retour, Benatia promet de défendre les siens jusqu'à la mort. En avril, après des rumeurs sur les réseaux sociaux accusant Zarrak et Tahri d'être des « taupes » (ce qu'ils n'étaient pas, en tout cas pour L'Équipe), il était monté au créneau dans la Provence, fustigeant ces attaques. Avec intensité, évidemment.