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« "Droit au but", ça lui correspond bien » : l'épisode 2 de la love story entre Pierre-Emerick Aubameyang et l'OM
Déjà décisif pour son retour à l'OM, après sa parenthèse saoudienne, Pierre-Emerick Aubameyang s'éclate en Provence. Il puisera peut-être dans le vécu de sa première saison au club, parfois galère, les ingrédients d'une confirmation éclatante.
C'est comme s'ils ne s'étaient jamais quittés. Un but, un salto, un doublé, une énième ovation. Samedi, face au Paris FC (5-2), Pierre-Emerick Aubameyang a replongé le Vélodrome dans les doux souvenirs de sa saison 2023-2024, il a renfilé, à 36 ans, son costume de sauveur. « Après cette semaine de folie marseillaise, comme d'habitude », a-t-il avoué dans un sourire.
Trois semaines plus tôt, le 2 août, pour son grand retour à la maison en amical, quand il est parti s'échauffer en début de seconde période d'un OM-Séville FC (1-1) qui commençait à ronronner, la routine était déjà réinstallée. Le stade s'est ranimé, les virages se sont relevés et ont scandé des « Auba, Auba » à tue-tête, jusqu'à son entrée sous les acclamations, 447 jours après son dernier match.
Sa première saison : un capitaine dans la tempête
Deux ans en arrière, jour pour jour, le 2 août 2023, Aubameyang a vécu sa première à la maison avec Marseille, face à Leverkusen (1-2). En rodage mais déjà ovationné, l'international gabonais (81 sélections, 35 buts) a débarqué de Chelsea pour incarner le nouveau projet. Exit Igor Tudor, place à Marcelino. La moitié de l'équipe type a été renouvelée au cours du mercato, une spécialité depuis l'accession à la présidence de Pablo Longoria. L'emblématique Dimitri Payet a fait ses valises, Alexis Sanchez n'a pas prolongé l'aventure et le secteur offensif est reconstruit autour d'Aubameyang, avec Iliman Ndiaye, Ismaïla Sarr et Joaquin Correa en soutien. Mais le temps presse.
« Il faut d'abord se qualifier en Ligue des champions via le barrage d'août », rappelle Longoria dans L'Équipe. Son club ne dépassera pas le 3e tour préliminaire, piégé à la dernière minute par les Grecs du Panathinaïkos (2-1, 3-5 aux t. a. b.), malgré un doublé précoce d'Aubameyang au retour. Un premier choc dans une saison qui n'en manquera pas. Un mois plus tard, la crise éclate : une réunion houleuse se tient en présence des représentants d'associations de supporters, les membres de la direction décident de se mettre en retrait et Marcelino de s'en aller après un mois de compétition et une seule défaite - celle en Grèce - à son bilan. Le tout juste avant un déplacement à Amsterdam.
Contre l'Ajax (3-3), en Ligue Europa, Aubameyang inscrira un nouveau doublé. En Ligue 1, il faudra attendre le 8 octobre, face au Havre (3-0), pour le voir débloquer son compteur après l'arrivée de Gennaro Gattuso sur le banc. Et la fin d'année pour lancer la machine pour de bon, après avoir essuyé les sifflets du Vélodrome, le 4 novembre contre Lille (0-0). « Je n'avais jamais connu une telle impatience, dira-t-il après coup. Ç'a été le déclic dans ma saison. J'ai commencé à jouer avec la rage, presque avec la haine. »
« Il lui a fallu un peu de temps pour prendre ses marques. Marseille, ce n'est jamais évident, souligne Samuel Gigot, porteur du brassard cette saison-là et aujourd'hui à la Lazio. Il nous a rejoints en pleine préparation, il y a eu les changements d'entraîneur... Et ça marche aussi à la confiance pour les attaquants. Surtout ici. Si tu ne marques pas, au bout de trois matchs, ça peut être compliqué. Ce n'était pas stable. »
Le défenseur central garde l'image d'une « très belle personne » et d'un « super joueur », pas le plus simple à marquer aux entraînements : « Il a un sens du but et un côté tueur impressionnants, un placement toujours à la limite, des courses intelligentes. Il était là, à 100 % et avec le sourire, à répéter les gammes devant la cage : cadré, cadré, cadré... Tout ce gros travail lui permet de continuer à performer à son âge. » Et le remplacement, encore un, de Gattuso par Jean-Louis Gasset, à la sortie de l'hiver, ne fera que booster ses statistiques.
Joueur de champ le plus utilisé (4 004 minutes), auteur de 30 buts et 11 passes décisives, quatrième meilleur buteur européen et le plus prolifique du club depuis un certain Didier Drogba, vingt ans plus tôt (32, en 2003-2004)... Alors que sa carrière paraissait en déclin et que l'OM traverse une année de turbulences, « Auba » revit en Provence. « J'ai l'impression que, à un moment donné, à chaque match, c'était but, doublé, passe-dé », sourit Gigot. Il y a eu plusieurs enchaînements de la sorte sous Gasset, où le parcours en C3, jusqu'en demi-finales contre l'Atalanta, atténue la grande déception en Championnat (8e place).
« De suite, on a senti un garçon avec nous, se souvient Ghislain Printant, adjoint historique de Gasset. Cette Coupe d'Europe tenait à un fil parce que, deux jours après notre arrivée, il y avait le match retour contre le Chakhtior (3-1, 5-3 en cumulé). Il fallait aller à l'essentiel et on a eu un investissement irréprochable, à l'image d'Auba, en vrai leader à chaque séance et match. Il dégage beaucoup de positivité, une joie de vivre et de jouer, qui amène les autres avec lui. Ça a matché rapidement avec le coach et il a su nous amener jusqu'aux portes de la finale. »
Et Printant de poursuivre : « La devise "Droit au but", ça lui correspond bien (sourire). Je dois dire qu'il était difficile de se priver de lui. On a voulu le faire souffler, à Villarreal par exemple, parce qu'on s'est dit qu'il ne pourrait pas tenir toute la fin de saison. Mais, à la mi-temps, on a pris l'option de le faire entrer pour garder le score (1-3 ; 4-0 à l'aller). Il a été d'une efficacité extraordinaire jusqu'au bout, mais on avait aussi apprécié son implication dans le jeu et l'évolution de l'équipe. À Villarreal, il donne ce but à Jonathan (Clauss). Idem au tour suivant contre Benfica pour Faris (Moumbagna). »
Son départ : entre déchirement et dépaysement
Il n'empêche, la saison a été éreintante. « On s'attendait à ce qu'il y ait des changements. Quand vous ne faites pas ce qu'il faut sur le terrain, encore plus dans un club comme l'OM, cela fait partie du jeu », rejoue Gigot, qui ralliera, lui, Rome en fin de mercato. Pour Aubameyang, qui a signé trois ans (soit jusqu'en 2026), avec le plus gros salaire de l'histoire de l'OM, la situation est différente. Sa renaissance dans l'élite française, dix ans après l'avoir quittée, n'est pas passée inaperçue. Il est dragué depuis longtemps par des écuries d'Arabie saoudite. Il aurait pu rejoindre l'une d'elles plutôt que Marseille à l'été 2023, mais il s'est donné une année supplémentaire en Europe.
Cette fois, la donne a changé, et ce malgré la nomination dès la fin juin 2024 de Roberto De Zerbi, pourtant très favorable à une collaboration avec le Gabonais. L'Italien connaît bien le frère d''Auba'', Willy, puisqu'ils ont tous deux évolué ensemble en Serie B, prêtés à Avellino par l'AC Milan lors de la saison 2008-2009. Aubameyang participe aux dix premiers jours de reprise sous De Zerbi, agrémentés d'entretiens de réembauche, mais sa décision est prise, en accord avec son père.
Au grand dam de Pablo Longoria, qui s'agace lors des réunions. « C'était assez étonnant de voir Pablo si ému, car normalement, cela ne le dérange pas de sortir un joueur, au contraire, confie un proche du buteur. Mais ''Auba'', c'était une relation spéciale pour lui. Ils avaient d'ailleurs convenu d'un gentlemen's agreement à son arrivée. » Le joueur peut légitimement céder aux sirènes saoudiennes, non pas d'Al Shabab, premier venu, mais d'Al-Qadisiyya. Financé par le pétrolier Aramco, il est mieux armé pour régler des primes et bonus prévus par l'OM, ce qui permet au club marseillais d'économiser près de 8 M€ de rémunérations chargées.
L'intéressé se charge d'officialiser la nouvelle sur le groupe WhatsApp des joueurs, avant de réserver une vidéo d'adieux aux fans. « Il avait été attiré par l'énorme proposition financière d'Al-Qadisiyya, bien sûr, mais je pense qu'il avait aussi un peu peur de l'instabilité à Marseille », analysait récemment Nicolas Girard, préparateur physique à Al-Ittihad, dans ces colonnes. Aubameyang n'est pas venu en touriste au sein du promu : 21 buts en 36 matches, une caisse d'enfer et une association efficace en attaque avec l'international mexicain Julian Quiñones.
« Même si le foot est toujours en cours de développement, si les stades ne sont pas tous remplis, s'il fait chaud, c'était une très belle expérience, assurait-il début août. En dehors, j'ai rencontré des gens très gentils, ouverts. Il y a toujours un cliché quand on n'y est pas allé. Moi, j'y étais en famille, avec mes enfants et, pour la première fois de ma carrière, j'ai pu faire des sorties sans aucun problème. » Ni regret sur son départ ? « Quand je fais un choix, je veux aller de l'avant et le faire fructifier. Mais, oui, j'aurais évidemment aimé participer à cette belle saison de l'OM car je sais ce que cela représente pour cette ville et ses supporters. » L'attaquant a suivi les matches depuis le Golfe et regardé cet été la série YouTube du club, histoire de mieux cerner « l'intérieur du groupe, ses hauts, ses bas ».
Son retour surprise : du « coeur » de « leader »
Désireux de recruter un buteur plus jeune (qui sera Mateo Retegui de l'Atalanta), Al-Qadisiyya a proposé fin juin une résiliation de contrat au joueur. Les prétendants au Moyen-Orient n'ont pas manqué, mais la perspective d'un retour à l'OM a très vite pris le dessus dans les négociations, quitte à consentir « des efforts financiers » sur deux ans pour « le choix du coeur ». « Ce sont des choses qui ne s'achètent pas. Pablo et Medhi (Benatia) n'ont pas eu besoin de me convaincre, disait-il. Et puis on connaît le "De Zerbi ball". Le club progresse, ça donne envie de venir. »
L'histoire aurait pu prendre une tout autre tournure si son successeur annoncé, Elye Wahi, n'avait pas connu un tel déclassement l'an passé. Ou si les dirigeants olympiens avaient insisté, en ce début d'été, pour recruter Matthis Abline au FC Nantes. Aubameyang n'est pas un pari sur l'avenir, mais il était libre, il maîtrise le contexte et offre les garanties attendues. « Le fait que l'effectif soit plus riche, en qualité et en quantité, facilitera sa gestion. Tout ne reposera pas sur ses épaules, anticipe Ghislain Printant, certain de sa réussite. Il apportera également des caractéristiques variées à l'attaque et son charisme au vestiaire. Il a sa place sans trop en prendre, sait quand il faut intervenir et est écouté. » « Il me l'avait fait à l'envers l'été dernier », nous glissait dans un sourire De Zerbi en Andorre, le 26 juillet. Depuis son retour, l'entraîneur italien n'a ne cesse de louer ce « grand champion ».
L'entame rocambolesque n'a fait qu'accélérer son leadership, dans le onze et en dehors du terrain. « C'est un leader dans l'âme, corrobore l'ex-capitaine Gigot. Il n'a pas besoin de forcer les choses. Dès qu'il avait besoin de prendre la parole, il la prenait. Avec moi, cela s'est fait naturellement, il m'a énormément aidé. » Printant était persuadé « qu'il avait tourné la page » phocéenne : « Cela prouve qu'il a toujours faim de foot et qu'il a peut-être un goût d'inachevé avec l'OM, cette ferveur et cette passion que dégage le public ».
À sa présentation, Aubameyang énonçait justement ce « besoin de retrouver ce stade », où il est sûr « qu'il va se passer des grandes choses ». Il ne se fixe « pas de limite » et a lui-même évoqué les quarts de Ligue des champions. « C'est un vrai passionné, c'est beau de voir ça dans notre sport et après tout ce qu'il a réalisé dans sa carrière, applaudit Gigot, Avignonnais de naissance et Olympien de coeur. Il suffit de regarder son entrée contre Séville. Ce qui m'a le plus marqué, c'est son sourire. On aurait dit un enfant de 9 ans qui découvrait le Vélodrome. »